Un grand nombre de médicaments font défaut dans les pharmacies françaises, depuis plusieurs mois maintenant. Les patients qui se précipitent dans les officines ordonnance à la main, sont parfois contraints de rentrer les mains vides.
Selon une enquête réalisée par France Assos Santé, au premier trimestre de 2023, 37% des Français déclarent avoir été confrontés en pharmacie à une indisponibilité du médicament qui leur avait été prescrit. Un pourcentage qui risque d’augmenter dans les mois à venir.
Faisant face à une demande persistante de baisse de prix par la Sécurité sociale, les laboratoires considèrent désormais que la fabrication d’un certain nombre de médicaments n’est plus intéressante, financièrement parlant.
Le rapport rendu le 30 août par la mission Régulation des produits de santé, confiée par la Première ministre Elisabeth Borne, propose un “New Deal garantissant un accès égal et durable des patients à tous les produits de santé” afin de trouver remède à une pénurie qui concerne environ 450 médicaments, régulièrement en rupture de stock.
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) n’a pas hésité à dénoncer un rapport “rédigé par les industriels pour les industriels, mettant en exergue “un chantage aux pénuries”.
Dans un entretien accordé au Figaro, Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, souligne que le rapport présenté en juillet par la commission d’enquête sénatoriale était “fouillé et pertinent”, alors que le dernier est “une catastrophe”.
“Nous dénonçons un véritable chantage, une prise d’otage des patients par l’industrie pharmaceutique qui cherche à obtenir une augmentation des prix pour les médicaments en rupture”, s’indigne-t-il.
De surcroît, après la publication du rapport, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a annoncé sur LCI qu'il souhaitait passer un contrat avec 13 laboratoires pharmaceutiques en augmentant de 10% le prix d’un certain nombres de médicaments, afin d’obtenir une garantie de fin de la pénurie.
Pour Catherine Simonin, représentante de la Ligue contre le cancer au sein de France Assos Santé, cette mesure “parfaitement injuste” est un coût supplémentaire pour le porte-monnaie des patients qui “renonceront à se faire soigner”.
Elle souligne en outre la nécessité “d’un système qui permette de connaître exactement les quantités de médicaments produits et disponibles” sans quoi il est impossible de localiser les stocks tandis que “de fortes iniquités entre les régions” demeurent.
Pour Jérôme Martin, cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), la décision d’augmenter les prix est non seulement une nouvelle étape dans la privatisation du système de santé, mais surtout une manière de faire peser sur la population “l’incapacité du gouvernement à régler les pénuries de médicaments”.
“Si les laboratoires estiment que le prix d’un médicament dit “mature” est trop bas, ils ont la possibilité de demander une augmentation de son prix, mais cela nécessite qu’ils justifient les coûts de production, or ils ne souhaitent pas le faire” ajoute-t-il.
Pierre-Olivier Variot, de l’USPO, attire lui aussi l’attention sur la nécessité d’une “meilleure traçabilité des médicaments, qui prenne en compte toute la chaîne de production, afin de pouvoir identifier très rapidement l’origine de la pénurie”.
La question des pénuries de médicaments en France reste donc au centre des préoccupations, avec des enjeux cruciaux pour l'accès aux soins et la santé publique. Entre accusations de chantage aux pénuries et de privatisation du système de santé, les patients semblent être les otages d’une controverse et d’une crise de médicament partie pour durer.