À Cherbourg-en-Cotentin, l’ordre et le calme qui règnent habituellement dans la commune, ont été troublés, depuis plusieurs semaines, par une série d’attaques criminelles qui ont, notamment, ciblé la mosquée Ar-Rahma.
La dernière en date a concerné neuf voitures incendiées sur le parking se trouvant en face du lieu de culte. Si les autorités civiles et les membres de l’association culturelle islamique de Cherbourg attendent les résultats de l’enquête pour se prononcer, certains fidèles suspectent ''un nouvel acte islamophobe.''
Selon eux, l’achat d’un terrain pour la construction d’un nouveau lieu de culte pourrait être à l’origine des récentes agressions et menaces à l’encontre de la mosquée.
En effet, il y a quelques mois, grâce aux dons des fidèles, l’association a fait l’acquisition d’un terrain de 7 000 mètres carrés en vue de l’édification d’une mosquée plus grande.
L’inquiétude grandissante persiste au sein de la direction de la mosquée et de la communauté musulmane de Cherbourg. En novembre dernier et quelques jours avant l’aïd el fitr plusieurs tags islamophobes ont été retrouvés sur la façade de la mosquée avec notamment comme inscription : ''Islam hors de France'', ''Islam Cancer''...
Autre fait peu rassurant, un impact de balle provenant ''d’un fusil de chasse'' a également été découvert sur le portail d’entrée de la mosquée, au mois d’avril. Ces attaques successives ont bouleversé la communauté musulmane de cette commune de La Manche, pourtant classée la plus sûre de France par le ministère français de l’Intérieur.
''Le climat général depuis les menaces, depuis les tags est un peu spécial. On n'y est pas habitués. Il y a beaucoup d'angoisse, beaucoup de peur. On se doit d'être vigilants et de multiplier la sécurité pour être protégés au maximum'', explique Omar Charaf, président de l’association culturelle islamique en charge de la mosquée.
Un sentiment de peur et d’angoisse partagé par les habitués de la mosquée. C’est notamment le cas de Fouad. Ce Français de confession musulmane précise d’ailleurs que ''la communauté musulmane commence à avoir peur, la mosquée se vide . Quand on se regroupe entre nous, on remarque qu’il y a un certain stress qui commence à monter auprès des musulmans. ''
Tout comme les fidèles, le voisinage du lieu de culte est dans l’incompréhension. Et pour cause ! Réputée pour son calme, la tension est aujourd’hui palpable au sein de la rue Coluche où se trouve la mosquée. Devant les carcasses des véhicules calcinés, appartenant pour la plupart aux habitants du quartier, de nombreux passants et curieux s’arrêtent quelques instants, pour constater l’étendue des dégâts. Des riverains pour la majorité étonnés et choqués par la situation. En effet, en règle générale, les habitants racontent un quotidien plutôt tranquille et une bonne entente entre les différentes communautés.
Une passante, qui vient régulièrement voir sa fille domiciliée à proximité de la mosquée, témoigne au micro de TRT Français : ''C'est un quartier calme où mes enfants ont toujours eu des contacts tout à fait corrects avec toutes les personnes qui peuvent passer ou venir à la mosquée, ils ont toujours été très respectueux.''
Pour “rassurer les fidèles et le voisinage de la mosquée”, des caméras de surveillances devraient être installées, “très prochainement” par la ville, à l’extérieur du lieu de culte. Récemment, un dispositif similaire a été mis en place dans l’enceinte de la mosquée, pour sécuriser les lieux.
Interrogé par TRT Français, le sous-préfet de Cherbourg a déclaré que ''la police est mobilisée'' ajoutant que ''la sous-préfecture et le procureur de la république prennent le sujet très au sérieux''. Jean Rampon a également affirmé être en contact régulier avec le directeur de la mosquée Ar-Rahma.
Montée inquiétante de l’islamophobie en France
Les événements qui touchent la mosquée de Cherbourg, sont loin d’être isolés en France. Pourtant face à la réputation de la ville et à la discrétion de la communauté musulmane, les membres de l’association culturelle islamique demeurent dans l’incompréhension.
''Les musulmans de Cherbourg ne sont pas aussi nombreux que dans d'autres villes, pour dire qu'on fait trop de bruit. La ville de Cherbourg est une ville pleine d'amour, pleine de tolérance, de partage. Les gens sont accueillants et respectueux. Je serais incapable de vous dire pourquoi exactement cette ville (est touchée, ndlr)'', s’étonne Omar Charaf.
Au niveau national, les actes islamophobes ont connu une inquiétante augmentation ces dernières années. Selon un rapport du Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) en 2023, 828 signalements de faits islamophobes ont été rapportés, soit 57% de plus qu’en 2022. La majorité de ces faits se seraient déroulés en France.
Particulièrement touchées en France, les mosquées ont, selon le rapport, notamment été la cible ''de dégradations ou de profanations, de tags, d’attaques à main armée, de menaces de morts, de tentatives de meurtre et d’incendie, d’attaques au cocktail molotov, d’alertes à la bombe…''. Des faits en majorité imputés à l’extrême droite, selon le CCIE.
La mosquée Ar-Rahma : Un espace d’échange et de partage
Tout au long de l’année, la mosquée, qui prône la tolérance, l’entraide et le partage, s’emploie à ''rester discrète pour ne gêner personne''. Des actions culturelles et humanitaires sont d’ailleurs régulièrement organisées, à l’image de maraudes, de journées portes ouvertes… Une ligne de conduite suivie par les dirigeants de l’association depuis sa création en 1990. De plus, ''l’association est autonome financièrement et ne demande aucune subvention pour l’organisation de ses différents évènements et activités”, assure Omar Charaf.
Aujourd’hui la communauté musulmane de la ville et les membres de l’association culturelle islamique de Cherbourg espèrent que ''justice sera faite'' pour retrouver le calme d’antan et vivre leur foi sereinement.
''Ce qu'on demande, c'est que les personnes qui ont commis ces actes soient arrêtées le plus tôt possible, parce que tant qu'elles ne sont pas arrêtées, on vit dans l’angoisse. On passe des tags aux tirs, au parking à côté qui brûle. On se dit que ces gens-là n'ont pas de limites'' s’inquiète Omar Charaf.