Après des débats ardemment disputés et le rejet initial retentissant par l'Assemblée nationale le 11 décembre, députés et sénateurs ont concilié leurs positions autour d'une version commune du texte.
Le projet de loi a finalement été soumis au vote à l'Assemblée nationale, avec 349 voix favorables et 186 voix contre sur 535 votants. La majorité des députés affiliés au parti présidentiel, ainsi que ceux des partis Les Républicains (LR, droite) et Rassemblement national (RN, extrême droite), ont exprimé leur soutien. Toutefois, une faction au sein de la majorité présidentielle s'est opposée au texte, avec 27 députés votant contre et 32 s'abstenant.
"La majorité a été unie et a pu adopter des mesures extrêmement fortes sur un texte qui, certes, n'est pas parfait puisqu'il est le fruit d'un accord", a commenté le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en soulignant que le projet aurait été voté même sans les voix du RN.
Le Sénat, dominé par la droite et le centre, avait précédemment donné son aval au projet de loi avec 214 voix favorables contre 114.
Face à des désaccords persistants sur le texte, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a remis sa démission à la Première ministre Elisabeth Borne, bien que cette dernière n'ait pas encore confirmé si elle l'acceptait, rapporte Le Figaro.
Selon une source ministérielle, deux autres membres du gouvernement, la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau et le ministre du Logement Patrice Vergriete avaient eux aussi "mis leur démission dans la balance" mardi après le ralliement du RN.
Sacha Houlié, président de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale et représentant de l'aile gauche de la majorité présidentielle, a voté contre le projet de loi résultant d'une commission mixte paritaire (CMP) composée de sénateurs et de députés, chargée de trouver un compromis entre les deux chambres.
Face aux fractures au sein de son camp, la Première ministre a dénoncé une manœuvre grossière du RN visant à diviser la majorité, appelant ses partisans à soutenir le texte.
"C'est un texte nécessaire, utile, attendu par les Français. Un texte efficace et conforme aux valeurs républicaines. La majorité a fait bloc", a estimé sur X Mme Borne, après le vote.
Cependant, la crise semble s'installer au sein du camp présidentiel. Un ministre, sous couvert d'anonymat, a confié à l'AFP ne pas être du tout à l'aise avec le dénouement et le vote favorable du Rassemblement national.
"Baiser de la mort"
Le soutien du parti d'extrême droite au texte s'apparente au "baiser de la mort" pour la majorité, s'alarme un député du parti Renaissance, macroniste de la première heure. "On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux", s'exaspère une députée du groupe centriste.
"Avec cette loi immigration, nous allons doubler le nombre de régularisations des étrangers qui travaillent. 10.000 travailleurs étrangers supplémentaires seront régularisés chaque année", avait plaidé Gérald Darmanin devant le Sénat. C'est la première fois qu'il avançait un tel chiffre qui semble de nature à apaiser l'aile gauche de la majorité.
La foudre s'était abattue sur les macronistes mardi en milieu d'après-midi, lorsque Marine Le Pen avait annoncé que les députés RN voteraient finalement pour le texte issu de la CMP, en revendiquant une "victoire idéologique".
Ce cénacle composé de sept députés et sept sénateurs venait d'annoncer être parvenu à un accord sur un texte nettement durci et d'une claire inspiration droitière, faisant la part belle au concept de "préférence nationale", emblématique du lepénisme, selon ses détracteurs de gauche.
"Un grand moment de déshonneur pour le gouvernement", a dénoncé le chef des députés socialistes, Boris Vallaud. Une loi qui "défigure l'image de la France", selon le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, à l’opposé du président du parti Les Républicains (LR) Eric Ciotti qui s'est réjoui d'une "victoire historique pour la droite".
Particulièrement offensif, le président du groupe communiste André Chassaigne a vertement critiqué les concessions faites aux droites: "Vous êtes sur le point de commettre l'irréparable (...) N'ajoutez pas le déshonneur à la compromission", a-t-il lancé à Élisabeth Borne à l'Assemblée.