Les Américains s’impatientent de retourner au Tchad
L'armée américaine qui a hâte de revenir au Tchad d’où elle a été éconduite, a ébruité des négociations secrètes à cet effet .
Un avion de transport des troupes americaines à l'Aéroport international Roberts, près de Monrovia, le 18 septembre 2014. / Photo: Reuters (Reuters)

Prié de quitter le Tchad en avril 2023, officiellement pour absence d’un cadre légal justifiant leur présence, le contingent de soldats américains semble pressé d’y revenir. “Les Etats-Unis et le Tchad se sont entendus pour le retour d’un nombre limité des forces spéciales américaines au Tchad”, a déclaré en substance Le général de division Kenneth Ekman – chargé de la coordination de l’armée américaine en Afrique de l’Ouest , lors d’un entretien vendredi 19 septembre avec le média “la voix de l'Amérique” (VOA).

“C’était une décision présidentielle du président [tchadien] [Mahamat] Deby, mais la décision est prise, et maintenant nous travaillons sur les détails de la façon dont nous retournons”, a-t-il précisé.

Le lendemain, le ministère tchadien des Affaires étrangères a aussitôt démenti les propos de l’officier supérieur américain.

“ Le gouvernement du Tchad de la République du Tchad tient à démentir formellement les informations relayées par certains médias concernant un prétendu accord autorisant les troupes américaines des forces spéciales sur le territoire tchadien”, écrit le ministre tchadien des Affaires étrangères .

“ Aucune décision de cette nature n’a été prise par les autorités tchadiennes”, précise Abderaman Koulamallah.

“ Il est important de rappeler que le Tchad, en tant qu’Etat souverain, reste maître de ses décisions en matière de sécurité nationale et de coopération militaire avec les partenaires internationaux”, insiste le responsable tchadien.

“Surement que les négociations étaient en cours et que le haut gradé américain a trop vite parlé,’ explique Eric Topona, analyste politique et essayiste tchadien.

“Le Tchad, explique t-il, se sentant indispensable et en position de force dans la région, est dans sa logique d'être maître du jeu, ne compte pas se laisser forcer la main au nom de sa souveraineté. Même si les soldats américains pourraient revenir, le Tchad posera des conditions pour espérer en tirer des dividendes. Ça ne sera pas à n'importe quel prix”, avance cet analyste.

Le général Kenneth Ekman a-t-il volontairement ébruité les négociations en coulisses pour forcer la main à N'djamena où a-t-il été maladroit? Toujours est-il que sa prise de parole a suscité la colère des autorités tchadiennes.

D'où la précision d’AFRICOM dans une mise au point parvenue à la Voix de l'Amérique. Le commandement militaire américain en Afrique “a précisé dans un courriel que si le major-général Ekman a utilisé le mot « accord » lorsqu’il a parlé à VOA du retour des forces spéciales américaines au Tchad, il l’a voulu dans le « contexte où une entente pour notre présence a été établie après la demande du président”.

Le Tchad, de par sa position géographique permettant de contrôler les mouvements terroristes aussi bien en Libye qu’au Sahel, “ demeure le seul point d’ancrage aussi bien pour les Etats-Unis que la France” dans un “contexte de rivalité avec la Russie”, explique encore l’analyste politique.

De la surenchère pour se consolider

De son point de vue,“ les autorités tchadiennes jouent sur cet atout pour mettre la pression sur leurs partenaires, afin que ces derniers se détournent des problèmes domestiques du Tchad.”

Ces derniers mois, le gouvernement tchadien est critiqué par les organisations de défense de droits humains qui lui reprochent notamment l’assassinat du chef de l’opposition Yaya Dillo le 28 fevrier 2024, peu avant la présidentielle.

Du reste depuis vendredi dernier, Robert Gam le secrétaire général du Parti socialiste sans frontières créé par Yaya Dillo est porté disparu. Son parti accuse le pouvoir d'enlèvement.

“Les autorités tchadiennes sont plus dans le chantage et la surenchère. Le Tchad essaie juste de mettre la pression sur ses partenaires traditionnels en menaçant de se rapprocher de la Russie, même si cette option n'est pas écartée”, conclut Eric Topona. Paradoxalement, la détention actuelle de trois ressortissants russes et d’un Bielorusse participerait d’une logique de chantage …


TRT Français et agences