Le problème de Citroën, c'est la fin du thermique pas les airbags Takata
Cette semaine, la marque Citroën a annoncé un nouveau rappel de véhicules à cause des airbags défectueux Takata. Ce troisième rappel va-t-il couler la marque aux chevrons ? Bernard Jullien, économiste, voit d’autres dangers pour la marque.
La fameuse C3 (ici sur la photo) et la DS3 font partie des véhicules rappelés par la marque/ Photo: AA (AA)

Il y a eu un rappel des airbags Takata pour le Sud de la France, puis pour l’Europe puis maintenant pour le Nord du pays. Les airbags explosent sous l’effet de la chaleur ou de l’humidité, douze personnes ont été tuées en France par ces airbags.

Citroën, l’une des marques les plus impactée par ce défaut de fabrication, multiplie les rappels. Pire, les remplacements de ces fameux airbags rencontrent tellement de problèmes, entre les délais à rallonge et les prêts de voiture qui n’ont pas lieu que tout cela finit par ternir l‘image de la marque.

Un rappel massif a été lancé pour près de 237 000 Citroën C3 et DS3, surtout dans le nord de la France. En cause : des...

Posted by TRT Français on Tuesday, February 18, 2025

« Pour tous, comme personne ! »

Bernard Jullien, Maître de conférence en économie à l'Université de Bordeaux, spécialiste de l'industrie automobile nuance la situation. “Les rappels sont assez banals dans l’automobile mais ici, on a la répétition et deux, l’ampleur des rappels. Toutes les marques ou presque étaient concernées car l’entreprise Takata était ultra dominante dans la fabrication d'airbags. Il n’y a pas eu négligence de Citroën mais elle a tardé à faire ces rappels ou Stellantis a voulu limiter l’ampleur des dégâts sur le plan financier et commercial (...), ils ont fait l'autruche en ne rappelant que les véhicules au sud de la France au départ et d'évidence cette stratégie n’a pas marché.”

L’économiste souligne que ce choix s’est fait sous la direction de Carlos Tavarès qui a été démis de ses fonctions lors du dernier conseil d’administration de Stellantis en décembre 2024.

Pour le seul groupe Stellantis, qui regroupe 14 marques, neuf millions de véhicules sont concernés en Europe mais on ne dispose pas d’un chiffre précis pour Citroën.

Deux plaintes déposées contre la marque

La marque se présente sur sa page internet avec ce slogan. “Pour tous, comme personne !”, Citroën se veut une marque populaire avec des véhicules abordables. Mais les clients de Citroën ne décolèrent pas. Deux plaintes ont été déposées contre la marque, l’une pour les moteurs Puretech et une deuxième pour les airbags Takata.

L’avocat des plaignants rappelle que 250 000 voitures Citroën sont concernés en France, et il dénonce le manque de préparation, le manque d’information. Le problème des airbags Takata qui explose est connu depuis dix ans. Pour lui, il y a fraude car les consommateurs qui ont acheté une Citroën dans cette période n’ont pas été mis au courant.

Dans une interview donnée à France bleu Drôme Ardèche en juin 2024, Christophe Lèguevaques expliquait que son bureau était débordé d’appels d’automobilistes: “les consommateurs sont très en colère de l'impréparation de Citroën dans ce dossier, qui a décidé de leur interdire de rouler et de ne pas organiser comme il devrait une prise en charge des réparations ou du remplacement des véhicules. Cela les met dans des situations catastrophiques en termes de travail, en termes de vie familiale, de vie tout court.”

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Une plainte collective vient d'ailleurs d’être déposée le 14 février 2025 par 900 personnes contre Stellantis pour les moteurs Pure Tech. Ces moteurs surconsomment l’huile ou ont des problèmes de courroie. Il est même arrivé qu’ils tombent en panne en pleine conduite causant des accidents. Entre 2020 et 2022, Stellantis a rappelé 500 000 véhicules.

L’affaire des airbag ira sans doute au procès

Citroën a provisionné 900 millions d'euros pour faire face aux éventuels dédommagements qu’elle devra honorer lorsqu’il y aura procès. La société Takata a fait faillite en 2017 après avoir payé des amendes énormes pour le défaut de ses airbags aux États-Unis.

“C’est arrivé fréquemment que les marques aient à faire face à ce genre d’affaires et les traces que laissent ces affaires sont assez minces. Si on pense à la pire affaire qui a eu lieu ces 10 dernières années, l’affaire Volkswagen (diesel gate), on s’est aperçu que les clients continuaient à acheter des véhicules comme avant, et n’en voulaient pas à la marque,” tient à souligner Bernard Jullien. Il ajoute cependant que la marque Citroën a aussi eu des problèmes avec les moteurs Puretech et que cela fait deux affaires en peu de temps.

Citroën n’est pas prête au tout électrique

Aucune marque n’a disparu parce qu’elle a multiplié les difficultés, mais cela va avec la multiplication des modèles. Toutes les marques dans le groupe Stellantis ont eu un problème de ce genre un jour ou l’autre, Bernard Jullien affirme que les baisses des ventes pour le groupe Stellantis sont plus liées à des prix de vente qui étaient mal appréciés.

Les prix des voitures ont augmenté globalement en Europe de 20% après le Covid, et les ventes ont baissé d’autant, pour Citroën comme pour les autres.

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La guerre commerciale qui se profile avec les Etats-Unis et la Chine ne devrait pas affecter la marque Citroën, si l’Union européenne protège les constructeurs des véhicules à bas prix chinois.

“On a plusieurs industries européennes en fait. L'Allemagne exporte surtout vers la Chine et est très concernée par le protectionnisme américain. Les industries françaises, italiennes, espagnoles ne seront pas impactées de la même façon et elles ont besoin d’un protectionnisme européen,” résume Bernard Jullien.

2050 et le tout électrique

Le gros défi qui risque de laisser certaines marques exsangues, c’est l’électrification selon l'économiste de l’université de Bordeaux et dans ce domaine Citroën est en retard. À partir de 2035 les constructeurs européens n'auront plus le droit de vendre des voitures thermiques, le règlement européen espère ainsi atteindre une neutralité carbone en 2050.

Mais aujourd’hui, les véhicules électriques ne représentent que 15% du marché européen. Les constructeurs européens doivent faire baisser les prix de l’électrique en proposant des batteries moins voraces, “il faut une baisse en gamme et en prix, ce qui permet quand même de ne plus passer à la pompe” et toucherait un plus grand nombre de consommateurs.

Selon lui, “il faudrait proposer des véhicules en dessous de 20 000 euros pour que la décarbonation ne soit pas qu’une affaire allemande, mais aussi italienne, française, polonaise et espagnole, sinon on devra laisser les Chinois les construire chez nous, alors qu’on est tout aussi compétent.”

Le positionnement de Citroën dans le groupe Stellantis est de proposer des véhicules d’entrée de gamme. Or, aujourd’hui, elle n’a qu’un modèle en électrique, la C3, et pour l’instant cette production est peu mise en avant et Stellantis privilégie les voitures hybrides (carburant et électrique).

La gamme de Stellantis doit s'électrifier en dix ans. La question est posée, comment vont-ils y arriver ? Surtout Citröen avec sa seule petite C3 en version électrique.

TRT Francais