Le Conseil d'État a rendu publique une décision, sans précédent pour une autorité indépendante, enjoignant à l'Arcom d'examiner à nouveau le respect par la chaîne détenue par Vincent Bolloré de ses engagements en matière de diversité. Un délai de six mois est accordé au régulateur de l'audiovisuel pour répondre à une plainte de Reporters sans frontières (RSF).
"Historique"
Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF, s’est réjouit de la décision qu'il qualifie "d'historique" pour la régulation de l'audiovisuel, la démocratie et le journalisme. "C'est une décision extrêmement importante et ce sera sans doute une décision historique", a-t-il réagi.
"L'Arcom, jusqu'ici, ne remplissait pas son rôle. La question n'est pas celle de préférer telle ou telle ligne éditoriale, c'est de parler des obligations de pluralisme", a-t-il poursuivi.
La décision du Conseil d'État exige de l'Arcom qu'elle repense la manière dont elle prend en compte la diversité des opinions représentées dans les programmes diffusés, incluant les chroniqueurs, animateurs et invités. L'Arcom devra évaluer de manière globale le pluralisme des opinions. Concrètement, cela signifie que CNews devra rééquilibrer la composition de ses plateaux, actuellement inclinés à droite.
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La décision du Conseil d'État va même au-delà. L'instance administrative demande également à l'Arcom de s'assurer de l'indépendance de l'information au sein de la chaîne en tenant compte de toutes ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation, et non pas seulement à partir d'extraits spécifiques de programmes.
Il s'agit d'un changement majeur dans l'interprétation de la loi de 1986 régissant l'audiovisuel français. L'Arcom devra enquêter sur les pratiques internes des chaînes et intervenir en cas de problème d'indépendance, telle qu'une ingérence de l'actionnaire pour influencer les contenus.
En novembre 2021, RSF avait demandé à l'autorité de mettre en demeure CNews de respecter ses obligations légales en matière d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme de l'information. RSF estimait que la chaîne n'était plus une source d'information impartiale, mais plutôt une tribune ouverte aux opinions d'extrême droite. En avril 2022, RSF avait saisi le Conseil d'État d'un recours contestataire contre le refus de l'Arcom d'agir contre les manquements de CNews à ses obligations.