Vingt-quatre ans après la visite d’État du président Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigéria, c’est au tour de Bola Ahmed Tinubu, l’actuel dirigeant nigérian de se rendre en France pour une visite d’État de deux jours dès ce jeudi.
Boudée dans ses anciennes colonies, autrefois considérées comme son pré-carré africain, la France semble tenter de réorienter ses relations africaines. Paris se tourne de plus en plus vers des pays avec lesquels elle n’a aucun passé colonial.
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Au lendemain de son élection en 2017, Emmanuel Macron avait entrepris des voyages au Nigeria (2018), en Éthiopie (2019) et en Afrique du Sud (2021), tout en visitant aussi les anciennes colonies françaises.
Les relations tendues avec les pays du Sahel et le rejet de la politique africaine de la France sur le continent accélèrent le rapprochement de Paris avec les pays africains d’expression anglaise, en commençant par le Nigeria.
Cap sur le Nigeria et l’Afrique de l’est
En 2023, d'après la direction générale du Trésor en France, les principaux partenaires de Paris en Afrique subsaharienne sont le Nigéria (5,0 Md€), l’Afrique du Sud (3,3 Md€), la Côte d’Ivoire (2,4 Md€), l’Angola (2,0 Md€) et le Cameroun (1,5 Md€).
Les entreprises françaises investissent de plus en plus au Nigeria. Outre le secteur pétrolier, où le groupe TotalEnergies est bien implanté, l'agriculture, la construction, la banque et les télécommunications se sont développées, tout comme l'industrie cinématographique et musicale.
En retour, de grandes banques nigérianes investissent en France : First Bank, United Bank for Africa suivies par Access Bank en 2024 et Zenith Bank prochainement.
C’est pour “développer de nouveaux partenariats entre les acteurs économiques des deux pays” que M. Tinubu et le président français Emmanuel Macron ont co-présidé, ce jeudi, à Paris un “Conseil d’affaires franco-nigérian” réunissant des patrons des deux pays, selon la présidence française.
Vendredi, M. Tinubu présidera un forum d’affaires avec le Medef, qui regroupe le patronat français.
Outre le Nigeria, la France montre un intérêt accru pour l’Afrique de l’est. Le Kenya, la première économie d’Afrique de l’est abritera en 2026, le sommet France-Afrique. Une première dans un pays qui n’a pas pour langue officielle le français, alors que le Ghana a adhéré le mois dernier à l'Organisation internationale de la francophonie.
De même, le 1er février 2022, TotalEnergies et la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) ont signé un accord de 10 milliards de dollars pour exploiter les réserves pétrolières du lac Albert en Ouganda et construire un oléoduc régional. Les groupes environnementaux ont dénoncé ce projet qui devrait courir sur 1.443 km en traversant l’Ouganda et la Tanzanie.
Cette nouvelle dynamique des relations franco-africaines devrait se poursuivre et se consolider, explique Benjamin Augé, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
“En Ouganda, comme au Nigeria ou même en Angola explique-t-il, c'est la même chose : n'ayant pas de passé colonial, la France n'est pas pointée du doigt comme bouc-émissaire responsable de la situation politique et économique. Dans ces pays, les détracteurs ne ciblent pas ces investissements parce que c'est la France, mais il y a des critiques pour des questions d'environnement et de gouvernance”.
Pour autant, Paris est loin d’abandonner ce qui était considéré comme son pré-carré africain, soulignent des analystes politiques. L’esquisse de son nouveau schéma de coopération militaire en Afrique, misant sur une présence réduite mais plus efficace, en est une illustration.