Ce projet avait suscité l'une des plus importantes vagues de contestation de l'histoire d'Israël, éclipsée temporairement par les événements liés à la guerre depuis le 7 octobre. La décision de la Cour Suprême ramène néanmoins la question au premier plan.
La disposition annulée visait à priver le pouvoir judiciaire du droit d'évaluer le "caractère raisonnable" des décisions prises par le gouvernement ou le Parlement israélien.
Huit des 15 juges de la Cour Suprême ont voté en faveur de l'annulation de cette mesure, selon le ministère de la Justice.
Le ministre de la Justice et architecte de la réforme, Yariv Levin, a accusé la Cour de "s'approprier tous les pouvoirs".
"Dans les faits, les juges de la Cour Suprême prennent, avec cette décision, tous les pouvoirs qui, dans une démocratie, sont équilibrés entre les trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire."
Il a également critiqué la publication de cette décision "en pleine guerre, ce qui va à l'encontre de l'unité nécessaire en ces jours cruciaux pour le succès de nos combattants sur le front".
Une accusation également portée par le parti Likoud de M. Netanyahu, qui estime "regrettable que la Cour Suprême ait choisi de publier son verdict au cœur d'un débat social en Israël pendant que les soldats de droite et de gauche se battent et risquent leurs vies".
Le chef de l'opposition et ancien Premier ministre Yaïr Lapid a salué la décision, estimant que la Cour avait "rempli fidèlement son rôle en protégeant les citoyens d'Israël".
Cette décision "met fin à une année difficile de conflits qui nous ont déchirés de l'intérieur et ont conduit à la pire catastrophe de notre histoire", a déclaré M. Lapid, faisant référence à l'attaque du Hamas.
La décision "doit être respectée", a également réagi Benny Gantz sur les réseaux sociaux, membre du cabinet de guerre et ancien rival de Benjamin Netanyahu, appelant à l'unité "pour gagner la guerre, ensemble".
Le Mouvement pour la probité du pouvoir, à l'origine du recours contre cette clause, a salué une décision "historique".
"Le gouvernement et les ministres qui ont cherché à contourner le pouvoir judiciaire ont appris qu'il existe des juges à Jérusalem et une démocratie avec une séparation des pouvoirs", affirme-t-il dans un communiqué.
La Cour Suprême affirme avoir l'autorité d'invalider une loi fondamentale "dans les cas rares et exceptionnels où le Parlement outrepasse son autorité". Les lois fondamentales font office de Constitution en Israël.
Depuis l'annonce de la réforme judiciaire en janvier 2023, le projet est contesté dans la rue, provoquant l'un des plus importants mouvements de mobilisation populaire de l'histoire d'Israël.
Selon le gouvernement de coalition, regroupant des partis de droite, d'extrême droite et des formations juives ultra-orthodoxes, cette réforme vise à corriger un déséquilibre en renforçant le pouvoir des élus par rapport à celui des magistrats.
Israël ne dispose pas d'une Constitution ni de l'équivalent d'une chambre haute du Parlement, et la doctrine sur le "caractère raisonnable" a précisément été utilisée pour permettre aux juges de déterminer si un gouvernement outrepasse ses prérogatives.
En janvier 2023, la Cour Suprême a invalidé la nomination d'Arié Deri, proche de M. Netanyahu, comme ministre de l'Intérieur, arguant qu'il avait été reconnu coupable de fraude fiscale et n'était donc pas "raisonnable" qu'il siège au gouvernement.
Les détracteurs de la réforme accusent M. Netanyahu, actuellement jugé pour corruption, de chercher à utiliser cette réforme pour atténuer un éventuel jugement à son encontre, une allégation qu'il réfute.