Un raid militaire israélien d’une rare violence avait déjà contraint Qusay Farahat à fuir son domicile en Cisjordanie occupée. Mais l’opération s’est rapidement étendue, menaçant jusqu’à la maison d’un parent où il avait trouvé refuge.
Selon Israël, cette offensive vise à démanteler ce qu’il qualifie d’”infrastructure terroriste”. Les forces israéliennes ont notamment ciblé des camps de réfugiés palestiniens du nord de la Cisjordanie, dont celui de Jénine, d’où est originaire Farahat, 22 ans.
Depuis son lancement le 21 janvier, cette campagne militaire meurtrière a progressivement gagné d’autres villes et villages.
“Ici, c’est comme si nous étions de retour dans le camp”, confie Farahat en contemplant les décombres devant la maison de son parent à Jénine, où il avait cherché refuge avec sa famille.
Les bulldozers militaires israéliens ont éventré la rue, une scène désormais familière lors de ces incursions, que l’armée justifie par la nécessité de dégager les routes des explosifs.
“Quand le bulldozer est arrivé, il a tout détruit alors que nous étions encore à l’intérieur”, raconte Farahat. Sa famille s’est retrouvée “piégée” alors que le vrombissement assourdissant du D9 résonnait, laissant la façade de la maison en ruines.
Un véhicule éventré et des amas de gravats bloquaient l’entrée surélevée de la maison. Plus loin dans la rue, désormais dépourvue de bitume, les devantures de magasins éventrées et les murs effondrés témoignaient du passage des forces israéliennes.
Selon les Nations unies, l’offensive israélienne a fait au moins 39 morts palestiniens et déplacé 40 000 personnes. L’armée israélienne, de son côté, affirme avoir arrêté près de 90 Palestiniens en une semaine.
D’après l’ONU, depuis le mois dernier, près de 18 000 personnes ont fui le camp de Jénine, qui comptait habituellement 24 000 habitants, parmi lesquels la famille Farahat.
Avec une grande partie du camp détruite et la présence continue des forces israéliennes, peu d’habitants ont pu y retourner.
Des bureaux perquisitionnés
Dans l’est de Jénine, à l’opposé du camp, un vieil homme peinait à monter une colline sur une bicyclette inadaptée à la boue laissée par les bulldozers. Un peu plus loin, une femme portant des provisions avançait avec précaution à travers les gravats.
Un commerçant, occupé à réparer un auvent métallique tordu, a confié à l’AFP qu’il avait déjà dû le remettre en état il y a six mois, après un précédent raid israélien.
S’ajoutant aux destructions, une frappe aérienne a touché, jeudi, un véhicule dans le quartier, déclenchant un incendie qui a brûlé pendant des heures.
Les parents ont mis en garde leurs enfants contre le danger des engins non explosés qui pourraient encore être dissimulés sous les débris fumants.
L'armée israélienne a déclaré avoir «localisé un véhicule piégé et l’avoir neutralisé», partageant une vidéo de la frappe de drone.
Dans un immeuble surplombant le camp, des habitants affirment que des soldats israéliens ont perquisitionné des bureaux, les fouillant minutieusement et les utilisant peut-être comme poste d’observation une tactique déjà employée dans la zone.
Des journalistes de l’AFP ont constaté que des coffres-forts avaient été forcés, leur contenu éparpillé au sol, et que des vitres avaient été brisées.
Dans un bureau, un petit drapeau palestinien avait été brûlé sur un bureau, tandis qu’un plus grand avait été déchiré en deux.
Dans une autre pièce, des portraits du poète palestinien emblématique Mahmoud Darwich avaient été souillés avec un tampon du bureau juridique perquisitionné.
“Plus rien”
Au cœur du camp de Jénine, des jeeps de l'armée patrouillaient sur une large route de terre, autrefois bordée d’une vingtaine de maisons, désormais réduites en ruines par l’opération militaire.
Farahat estime avoir eu la vie sauve par miracle.
“Dans les premiers jours du raid, nous étions encerclés. Soudain, les forces spéciales israéliennes sont apparues et ont ouvert le feu sans relâche”, se souvient-il.
“Des gens sont morts, d’autres ont fui”, raconte-t-il.
“Par miracle, nous avons réussi à nous échapper”.
Sabha Bani Gharra, une résidente du camp âgée de 95 ans, recevait des soins pour une fracture dans un hôpital de Jénine lorsque le raid a commencé.
Depuis, elle n’a pas pu regagner son domicile et vit dans un atelier de couture géré par une association caritative en dehors du camp.
C’est par une vidéo prise par un voisin qu’elle a appris que sa maison avait été détruite.
“Ma maison n’existe plus. Tout ce qu’il me reste, c’est la tenue que je porte”, confie la vieille femme, serrant dans ses mains une boîte de biscuits en fer-blanc où elle conserve ses médicaments –l’un de ses rares biens matériels encore en sa possession.
“Je n’ai plus rien… Si ce n’est la générosité des inconnus qui m’aident à survivre, jour après jour”.