“J'ai décidé qu'on ne pourrait plus porter l'abaya à l'école", a annoncé Gabriel Attal, ministre de l'Éducation nationale, dimanche soir au JT de TF1, suscitant des débats et des controverses quant à ses implications légales et sociétales.
LFI va saisir le Conseil d’État
Alors que la future interdiction est plébiscitée par la droite et l'extrême droite, plusieurs personnalités politiques de gauche ont exprimé leur mécontentement et leurs préoccupations quant aux motivations et aux conséquences de cette mesure. Le coordinateur de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard, a même proposé de saisir le Conseil d’État jugeant cette mesure "contraire à la Constitution" et source de discriminations à l’égard des jeunes femmes".
Mathilde Panot, députée LFI a accusé Gabriel Attal de se concentrer de manière excessive sur les "musulmanes", tandis que Sandrine Rousseau, députée écologiste, y a vu une tentative de "contrôle social sur le corps des femmes et des jeunes filles".
Des parlementaires, dont Clémentine Autain de La France insoumise, ont remis en question la légalité de cette interdiction qui serait anticonstitutionnelle, car elle pourrait être en contradiction avec les principes fondateurs de la laïcité en France.
Les experts juridiques et constitutionnels ont aussi mis en évidence la complexité de la situation. S’ils soulignent que la loi de 2004 interdit déjà aux élèves des écoles publiques de manifester leur appartenance religieuse, la qualification juridique de l'abaya n'a jamais été tranchée par la justice.
Un vêtement culturel
Alors que le ministre de l’Education y voit "un vêtement religieux", le Conseil français du culte musulman (CFCM) a rappelé que l’abaya n'en était pas un. "L'abaya, qui se traduit en arabe par robe ou manteau, est présentée à tort comme un signe religieux musulman", soutenait-il en juin, dans un communiqué.
"Dans la tradition musulmane, que nous défendons, un vêtement, quel qu'il soit, n'est pas un signe religieux en soi", ajoutait le CFCM. "Je pense que le ministre aurait pu échanger, demander l'avis des responsables religieux. Pour moi, l'abaya n'est pas une tenue religieuse, c'est une forme de mode", a expliqué dimanche Abdallah Zekri, vice-président du CFCM.
De même pour l'anthropologue des religions, Anne-Laure Zwilling (CNRS), citée par France Info, l'abaya n'est pas liée au culte musulman, mais "à une culture".
Sur son compte X, Cécile Duflot, ancienne députée française, a illustré avec ironie le débat en postant une photo "d'une somptueuse robe longue de style chemise" de la marque Gucci, qui a toutes les caractéristiques de l’abaya.
Une infraction pénale ?
La question centrale est donc bien de déterminer si l'abaya est un signe religieux ou simplement une tenue culturelle ou une mode. Comme les avis divergent, dans les faits, le personnel éducatif va analyser l'intention de chaque élève qui peut soulever des questions de libertés et donner lieu à des discriminations.
Selon l'avocat Arié Alimi, cette interdiction pourrait faire l'objet de recours devant la juridiction administrative. "L'abaya, c'est une robe longue qui, selon la déclaration du CFCM, autorité reconnue par l'Etat, n'est pas un vêtement religieux. Ce n'est donc pas un signe religieux, mais culturel. Vous imaginez quelqu'un qui décide de venir avec une coiffe bigoudène en Bretagne à l'école ? Vous allez le lui interdire ? Ni la loi de 1905, ni celle de 2004 ne prohibent une expression culturelle."
"A partir du moment où l'on franchit le seuil de l'interdiction culturelle, on vise un ensemble de personnes en raison de leur appartenance culturelle. C'est une infraction pénale puisque l'on crée une norme discriminatoire, voire raciste” ajoute-t-il.
Cette mesure, qui soulève des questions liées à la liberté religieuse, aux droits individuels et à l'application cohérente de la laïcité dans les écoles françaises, fait couler beaucoup d'encre alors que les problèmes - manque de professeur, postes vacants et suppression de 1500 postes- dans l’Education nationale ne font qu’augmenter.