Armando Varela s'approche d'un supermarché discount d'Aulnay-sous-Bois, en banlieue nord de Paris, puis rebrousse chemin. Depuis les violentes émeutes qui ont secoué la France il y a deux mois, l'enseigne n'a pas rouvert, comme de nombreux autres commerces dans le pays.
"C'est embêtant, je dois aller ailleurs, et donc perdre du gasoil et du temps", déplore le retraité face au magasin Aldi saccagé et pillé au cours des nuits d'émeutes qui ont suivi la mort d'un jeune de 17 ans le 27 juin, tué par un policier lors d'un contrôle routier près de Paris.
Les images du motard tirant à bout portant sur Nahel M. avaient soulevé une immense vague de colère dans le pays, où la mort de jeunes hommes issus de l'immigration aux mains de la police a souvent été le détonateur d'émeutes urbaines.
Pendant six nuits consécutives, plusieurs villes s'étaient embrasées et des émeutiers avaient ciblé établissements publics et magasins. Selon les estimations du gouvernement, plus de 750 bâtiments publics ont été touchés et quelque 1.000 commerces vandalisés ou pillés.
Deux mois après, nombre d'entre eux restent fermés et ce sont les habitants qui "paient les pots cassés", soupire, Aminata Ky, 26 ans, rencontrée à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine.
D'après cette municipalité de banlieue parisienne, le magasin Aldi rouvrira ses portes le 6 septembre mais en attendant, "on perd toute la journée pour sortir acheter quelque chose", se plaint Rachida Aït Chaouche, une retraitée.
A quelques pas, les rideaux du bureau de poste sont eux aussi toujours fermés "jusqu'à nouvel ordre", indique une feuille scotchée à la porte vitrée, renvoyant vers un bureau à plus de quatre kilomètres de là.
A fin août, sur les 130 bureaux de poste endommagés en France durant les émeutes, sur un total de 7.000, 47 demeurent fermés "en raison des destructions subies", a indiqué La Poste à l'AFP.
Lors de ces nuits d'émeutes, des communes peu familières des violences urbaines avaient également été touchées. A Montargis, dans le département rural du Loiret (centre), les images de la rue commerçante saccagée avaient choqué la population.
Là aussi, deux mois plus tard, les conséquences "se voient encore et on va encore passer le mois de septembre avec les protection bois", estime Viviane Malet, présidente de l'Union des commerçants de la ville, chiffrant à 114 les entreprises impactées.
En juillet, "on a fait moins 20 à moins 30% de chiffre d'affaires sur cette période de début des soldes qui est la plus importante", ajoute la commerçante à la tête de boutiques d'habillement, qui déplore la lenteur des assurances et un manque d'aide de l'Etat.
Fin juillet, le Parlement a voté une loi d'urgence visant à faciliter la reconstruction post-émeutes mais les problèmes demeurent.
"Parer à l'urgence"
D'après Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France (CDF) qui représente 450.000 entreprises en France, de 10 à 15% de ceux qui ont été ciblés n'ont pas encore pu rouvrir notamment du fait de "soucis d'assurance ou d'accompagnement".
"La situation est plus critique pour certaines professions particulièrement ciblées, comme les buralistes voire les marchands de vêtements", estime-t-il.
A Saint-Etienne, dans le quart sud-est de la France, où Christophe Javelle exploite une enseigne Lacoste, "la facture s'élève à 400.000 euros". Le gérant a dû mettre ses sept salariés au chômage technique mais espère rouvrir mi-septembre.
Partout en France, les commerçants se sont tournés vers les chambres de commerce pour être informés des aides financières disponibles.
En Auvergne-Rhône-Alpes, dans le sud-est, un nouveau dossier est déposé tous les deux jours depuis la mise en place d'un dispositif d'aide.
Plus au sud, un fonds de soutien doté de 10 millions d'euros et visant à "parer à l'urgence" a été mis en place en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
L'aide financière peut être soit d'un montant de 5.000 euros pour compenser des pertes d'exploitation ou de 10.000 euros pour les commerces dégradés.
A Marseille, dans une des rues les plus touchées par les émeutes, la vie a repris un aspect presque normal mais les stigmates restent visibles: une partie des vitrines sont toujours escamotées derrière des planches de contreplaqué recouvertes de tags anti-police.