La tribune publiée dans le journal Politis dit vouloir faire front contre la criminalisation du soutien à la Palestine qui existe aujourd'hui en France. Les convocations pour "apologie du terrorisme' s'enchaînent. Il y a eu la convocation d'Anasse Kazib, militant SUD Rail et porte-parole de Révolution permanente le 16 avril pour quatre posts de soutien à Gaza. Fin avril, la candidate LFI aux européennes Rima Hassan et la présidente du groupe parlementaire LFI ont reçu une convocation. Mathilde Panot a de suite réagi de manière combative : “Nous ne nous tairons pas. Aucune convocation, aucune intimidation de quelque nature que ce soit ne nous empêchera de protester contre le génocide en cours contre le peuple palestinien”.
Les 700 signataires de la tribune publiée dans Politis parlent d'"offensive liberticide" en France et dénonce la proximité du gouvernement français avec des extrémistes pro-Israël.
La journaliste indépendante Sihame Assbague est l’une des personnes convoquées pour "apologie du terrorisme". Cette militante contre l’islamophobie et les discriminations est de tous les combats dont celui de la cause palestinienne.
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Elle confie à TRT Français qu’elle n’est pas étonnée par cette convocation. “Les accusations pleuvent. Des centaines de personnes ont été convoquées depuis le 7 octobre pour des propos sur la Palestine” selon elle. Soit un préfet se saisit, le ministère de l’Intérieur se saisit ou il y a une plainte, ajoute t-elle. La journaliste ne sait pas si une personne a signalé sa publication, elle le saura lors de son audition. Pour elle, hors de question de retirer son post du 7 octobre dernier. “Je le laisse. Ici, on est dans une répression étatique. Cette notion d’apologie du terrorisme est utlisée pour exercer une répression politique. On essaie de disqualifier les voix gênantes parce qu'on ne correspond pas au discours dominant.”
Rima Hassan, la candidate La France Insoumise aux élections européennes, est également convoquée fin avril. Cette convocation est intervenue au lendemain de l’interdiction d’une conférence de Jean-Luc Mélenchon à Lille avec Rima Hassan justement. Son avocat, Vincent Brengarth, sur BFM parle de “criminalisation de la pensée”. Pour le juriste, sa cliente n’a jamais fait l’apologie du terrorisme. L’intéressée, elle, s’insurge : ce sont, dit-elle, “des manœuvres purement politiciennes visant à compromettre (sa) liberté d'expression sur la Palestine”.
Qui est derrière ces plaintes à répétition ?
Certaines associations se vantent de déposer des plaintes. Rima Hassan soupçonne l’association OJE (l’Organisation juive européenne) qui compte un peu plus de 500 membres et 50 avocats ! Sur son site, elle inscrit, dans ses missions, la lutte contre la campagne de boycott des produits qui proviennent d’Israël, la lutte contre l’antisémistime et l’antisionisme évidemment considérés, par OJE, comme la même chose. Autre association à la manoeuvre, la Jeunesse Française Juive, une association qui soutient des personnalités d'extrême droite et multiplie régulièrement les "procédures baîllons."
Dominique Cochain Assi est avocate au barreau de Paris, elle a plaidé plusieurs dossiers BDS et a gagné devant la Cour européenne des droits de l’Homme qui a jugé l’interdiction française du boycott, illégale.
"C'est une censure politique"
Concernant l’explosion du nombre de plaintes pour “apologie du terrorisme”, elle confie à TRT Français son analyse : “On ne peut pas plaider sur le fait que le nombre de plaintes explosent. C’est juste un élément contextuel. Mais la plupart de ces plaintes sont classées sans suite, et la personne convoquée reçoit juste un rappel à la loi.”
Ce qui l’inquiète, aujourd’hui, ce n’est pas la multiplication des plaintes lancées par des organisations juives, c’est que des préfets, des élus, le ministère de l’Intérieur initient eux-mêmes les plaintes. Elle soupçonne que les procureurs ont reçu des directives pour poursuivre systématiquement les accusations “d’apologie du terrorisme”. “C’était le cas quand la campagne BDS pour le boycott des produits israéliens était l’objet de plaintes à répétition,“se rappelle-t-elle.
L’avocate y voit une manœuvre politique dans la situation actuelle, “l’objectif inavoué est de pousser à la condamnation, toute expression de soutien à la résistance palestinienne. C’est une atteinte à la liberté d’expression. C’est une censure politique. C’est presque schizophrénique. On peut justifier le génocide et les crimes de guerre à Gaza à cause des évenements du 7 octobre sans être inquiété, mais on est accusé d’apologie du terrorisme quand on rappelle l’histoire récente, la colonisation, la violence de l’occupation”.
En d’autres termes, il y a une volonté de museler tout discours qui va à l’encontre de la version racontée par l’État d’Israël qui reste le discours dominant dans les médias français et parmi la classe politique française.
Y aurait-il aussi une volonté d’affaiblir un concurrent politique en l'occurrence, La France Insoumise alors que les élections européennes approchent ? Peut-être. Mais les élections européennes, qui ont lieu le 9 juin prochain, sont des élections à la proportionnelle et c’est aujourd'hui le rassemblement national qui est en tête dans les sondages. Selon un sondage Eurotrack Opinionway, La France Insoumise est créditée de 7% d’intentions de vote, la majorité présidentielle recueillerait 19% des votes, le PS 13% et le RN 29%.
Alors peut-être, que tout simplement, le gouvernement français actuel ne veut pas entendre une autre voix sur la question palestinienne. Une voix qui pourrait remettre en question son soutien inconditionnel à Tel-Aviv et ses ventes d’armes à un État en guerre.