C’est une “pax americana” arrachée par l’administration Biden avant sa fin de mandat. Cette trêve reprend les grandes lignes de la résolution 1701 adoptée en 2006. Le Liban, Israël et le Hezbollah ont accepté de la mettre en œuvre avec le soutien de la FINUL, la force d’interposition des Nations unies.
Cette résolution prévoit un cessez-le-feu permanent avec la création d’une zone tampon d’une trentaine de kilomètres le long de la frontière libano-israélienne, jusqu’au fleuve Litani. Le Hezbollah a accepté de se retirer au nord de cette rivière, tandis que l‘armée libanaise doit se déployer dans cette région du sud pour y maintenir la sécurité. Israël a 60 jours pour retirer ses troupes, à condition que les hostilités cessent totalement.
En bon ancien militaire, Khalil Helou a déjà les yeux fixés vers la stratégie suivante. Dans une interview à TRT Français, l’ex-général de l’armée libanaise reconverti dans l’analyse politique avec son association “Liban-message”, se dit pessimiste sur la portée de ce cessez-le-feu. Il espère que les combats ne vont pas reprendre dans quelques années.
“En 31 ans, c’est la cinquième fois que nous signons une trêve avec Israël (1993, 1996, 2000, 2006 et 2024). C’est une bonne chose car les déplacés vont pouvoir rentrer chez eux, les destructions vont s’arrêter mais l’Iran a promis de réarmer le Hezbollah, donc tout peut recommencer dans quelques années”, affirme l’analyste.
Le Premier ministre israélien a d’ailleurs été clair lorsqu’il a annoncé qu’Israël accepterait un cessez-le-feu. “Si le Hezbollah violait l’accord et tentait de se réarmer, nous attaquerions”, a-t-il déclaré fermement.
Israël a 60 jours pour quitter le Sud
Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) de Genève, a une vision plus nuancée sur cet accord.
“C’est malgré tout la première négociation qui a abouti depuis le 7 octobre 2023, mais c’est vrai que ce cessez-le-feu a des fragilités, même s' il est parrainé par la France et les États-Unis”, estime-t-il..
Du côté libanais, le soulagement est là, l’armée libanaise a annoncé “prendre des mesures” pour se redéployer dans la région, et demande aux déplacés de ne pas regagner les villages frontaliers avant le retrait israélien. Israël n’a pas enlevé ses troupes, elle a 60 jours pour le faire.
L’armée libanaise est ici la seule institution intercommunautaire ayant la légitimité pour se déployer au sud du pays. Khalil Helou balaie d’un revers de main les doutes concernant l’armée libanaise et sa capacité à faire appliquer la résolution 1701.
“L’armée est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. Elle peut se défendre, mais je rappelle que le Liban n’est pas en guerre avec Israël”, dit-il. On sent poindre un reproche envers le Hezbollah qui a certes repris le sud aux Israéliens en 2000, mais également tiré des roquettes vers le nord de la Galilée dès le début de la guerre à Gaza pour défendre la cause palestinienne.
Finalement, ce que l’ancien général craint le plus, c’est la scène politique libanaise, où le Hezbollah est encore fort et bien implanté.
Hasni Abidi est moins enthousiaste lorsqu’on évoque l’armée libanaise. Pour lui, il ne fait aucun doute que “cette armée n’a pas la capacité à remplir le vide sécuritaire dans le sud du pays. L’implication de la France qui doit surveiller l’application de l’accord est donc importante.”
Un accord fragile dans un contexte d’affaiblissement général
C’est l’affaiblissement des parties impliquées qui a permis un accord, assure le chercheur helvético-algérien, Hasni Abidi.
“Nous ne sommes pas dans le même contexte qu’en 2006”, affirme le chercheur ajoutant que “l‘arrivée au pouvoir de Donald Trump a mis la pression sur l’administration Biden, le Hezbollah a perdu quasi tout son état-major et Netanyahu est affaibli sur la scène internationale”, notamment à cause des accusations de crimes de guerre et de génocide et des mandats d’arrêt puibliés contre le Premier ministre israélien et son ex-ministre de la Défense.
La sortie de crise résulte en fait d’un besoin commun de répit. Khalil Hellou pointe du doigt la faiblesse des réactions du Hezbollah sur le terrain. Ses stocks d’armes ayant été détruits lors de plusieurs bombardements: “ils ne sont pas dans une position de force à ce moment précis. Nous n’avons pas vu leur missiles sol-air, sol-mer.”
Le Hezbollah reste tout de même populaire. Les déplacés du sud Liban ont célébré ce cessez-le-feu en arborant le signe de la victoire et en faisant flotter, aux vitres des voitures, des drapeaux du Hezbollah ou des portraits de son ancien chef Hassan Nasrallah, assassiné par Israël. Le mouvement a également annoncé l’organisation de funérailles populaires deux mois après son décès. La popularité du mouvement n’est pas morte et son influence reste incontournable.
Un cessez-le-feu transposable à Gaza ?
Un haut responsable du Hamas a salué l’accord de cessez-le-feu conclu au Liban, affirmant que le mouvement palestinien était lui aussi “prêt” à envisager une trêve avec l’armée israélienne dans la bande de Gaza pour échanger des prisonniers.
Le Hamas fait preuve d’optimisme, mais Hasni Abidi ne croit pas qu’un cessez-le-feu libanais puisse être reproduit à Gaza. “L’accord sur le Liban, c’est le début d’un processus diplomatique, c’est certain, mais Israël ne veut pas d’un cessez-le-feu à Gaza.”
La question palestinienne diffère de la question libanaise pour Israël, et l’arrivée au pouvoir, en janvier 2025, de la nouvelle administration Trump, pourrait laisser une large marge de manœuvre. Marco Rubio, sénateur republicain de Floride et faucon ultra pro-israélien, a d’ailleurs été nommé pour devenir secrétaire d’Etat.