Bikok est donc différente, bien que sur ce territoire plusieurs Natal se côtoient, s’aiment ou se détestent, réunis en fin de compte dans une certaine adversité. Une diversité vécue par le correspondant au Cameroun de TRT français, Fabien Essiane. Il fait aujourd’hui, un arrêt pour sa troisième étape de son carnet de route.
C’est une démographie monologue, qui parle d’elle-même et qui finalement, amène à la conclusion que c’est la terre qui fait l’identité au regard de l’étonnante complexité de la mosaïque humaine qui y est observée.
La ville a été découverte en décembre 1797 par le Portugais Fernando Poo. En 1823, des commerçants qui souhaitaient acheter de l’ivoire aux autochtones s’établissent à Bikok. Et le contact avec l’étranger a eu pour conséquences, de violents conflits. Beaucoup de sang fut versé, celui des locaux surtout, pour que chacun trouve sa place sur ce territoire où l’extraordinaire diversité des paysages est à couper le souffle.
Et c’est cette beauté naturelle qui, en 1970, a vu débarquer un commerçant turc, Ahmet Gulsoy en provenance de Yaoundé. Le jeune Turc à l’époque âgé d’une trentaine d’années, s’installe à Bikok. A cette époque, la cité prospère parce que le Cameroun est en pleine immersion aux lendemains de son indépendance obtenue en 1960.
Pour les quelques vieillards rencontrés qui sont au crépuscule de leur vie sur terre, Gulsoy “était un commerçant plutôt discret et qui s’était intégré. Après plus de trois ans à Bikok, il est rentré comme il était venu, c’est-à-dire subrepticement”. Aujourd’hui, le lieu où avait été construite sa maison est devenu un centre social. Plus aucun souvenir de ce battant des temps modernes. Son séjour a peut-être été un des éléments précurseurs de l’établissement des relations entre la Turquie et le Cameroun.
A Bikok, le vert Natal se fait appeler “la forêt où abondent les gorilles”, ce vert qui demeure la couleur dominante de ces lieux, tout comme les collines verdoyantes autour de Bikok et sa grotte aux pygmées. Ça, c’était avant, le vert des cannes à sucre, celui de l’herbe grasse des champs ou encore cette piste verte qui mène aux vastes étendus de terres fertiles.
On se lancera donc sur les chemins à la découverte d’un pays aux goûts du “fiang owono“ (sauce d’arachide) chez les Beti, traduction libre, et de manioc bouilli avant de s’offrir une expérience de “haute montagne“, en traversant les prairies, pour mieux apprécier ensuite la luxuriance de cette ville de la forêt équatoriale ou la nature majestueuse du paysage fait rêver.
S’il ne s’éloigne pas du centre et du front de la forêt touristique, le voyageur n’en verra rien ou presque car, Bikok est un endroit qui regorge de mystères. Cette ville ne livre pas ses secrets aussi facilement, préférant se donner du temps pour gagner le visiteur à travers ses charmes orientaux.
Aussi, il n’est pas rare de voir les grands singes quitter leurs rochers pour chercher de la nourriture dans la ville. Des animaux à ne surtout pas nourrir puisqu’ils peuvent devenir rapidement importuns et agressifs au point que certains d’entre eux ont dû être abattus.
D’une certaine manière deux villes se distinguent : le Bikok de l’intérieur, avec ses vieux bâtiments, ses quartiers historiques et ses centres commerciaux rutilants, puis le Bikok de la forêt, son esplanade et ses hôtels qui ont poussé comme des champignons et qui semblent chacun vouloir grignoter quelques mètres carrés à l’autre, histoire d’impressionner un peu plus les Camerounais, si fiers de cette ville, où ils viennent par dizaines passer des vacances entre béton et néon.
Néanmoins le paysage est à mi-chemin entre la terre et la lune, et en prenant la direction du centre-ville, il est alors possible de contempler les différents tons de bleu du ciel qui fait aussi partie du décor.
En définitive, Bikok doit être considérée avec intérêt car son mode de vie est un bel exemple d’adaptation au milieu. Et Ahmet Gulsoy en était un exemple type.