Le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a annoncé vendredi qu'il incluait, comme le demandait le parquet général, l'ancien chef d'Etat d'extrême droite dans son enquête visant à découvrir les éventuels instigateurs des violences du 8 janvier dans la capitale brésilienne.
M. Bolsonaro, battu de justesse par le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva à la présidentielle d'octobre, "a effectué une incitation publique à l'exécution d'un crime" en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo "mettant en cause la régularité de l'élection présidentielle de 2022", avait expliqué le parquet dans un communiqué.
Cette vidéo a été publiée deux jours après l'invasion du siège de la présidence, du Congrès et de la Cour suprême par des milliers de bolsonaristes, puis effacée, a rappelé le parquet. Mais elle pourrait selon lui apporter "un lien de preuve" justifiant "une enquête globale sur les actes effectués avant et après le 8 janvier 2023" par M. Bolsonaro.
L'ancien président "n'a jamais eu le moindre lien ou participation avec ces mouvements", ont affirmé ses avocats dans un communiqué transmis à l'AFP, en attribuant les violences de Brasilia à des éléments "infiltrés".
M. Bolsonaro, qui se trouve aux Etats-Unis depuis fin décembre, avait déjà été épinglé vendredi pour des dépenses somptuaires durant son mandat, comme les 20.000 euros déboursés en une fois dans un modeste restaurant du nord du Brésil ou les 10.000 euros dans une boulangerie le lendemain du mariage de son fils.
Les relevés de compte de la carte de crédit présidentielle sur ses quatre années de mandat (2019-2022) ont été publiés sur un site officiel du gouvernement Lula, qui a commencé à lever un secret imposé pour 100 ans par son prédécesseur sur des milliers de documents officiels.
Projet de décret
L'ouverture d'une enquête visant M. Bolsonaro suit une autre révélation déjà liée au remake de l'assaut du Capitole américain le 6 janvier 2021, et qui met en cause l'ex-ministre de la Justice, Anderson Torres, chez qui a été retrouvé un projet de décret qui aurait pu permettre l'annulation de l'élection de Lula à la présidence.
Ce document très compromettant révélé jeudi soir par le quotidien Folha de S. Paulo a été trouvé lors de perquisitions au domicile de cet ancien ministre, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour "collusion" présumée avec les auteurs des violences de Brasilia.
"Nous allons attendre qu'il se présente jusqu'à lundi. Si ce n'est pas le cas, nous lancerons la semaine prochaine la procédure de demande d'extradition", a annoncé vendredi Flavio Dino, ministre de la Justice de Lula, en fonction depuis le 1er janvier.
M. Torres n'a cessé de clamer son innocence. Il se trouve aux Etats-Unis et a promis de rentrer au Brésil pour se rendre aux autorités, sans pour autant indiquer de date précise.
Le document de trois pages trouvé chez lui prévoyait que le gouvernement fédéral prenne le contrôle du Tribunal supérieur électoral (TSE), qui veille à la bonne marche du scrutin, "pour assurer la préservation et le rétablissement de la transparence, et approuver la régularité du processus électoral de la présidentielle de 2022".
Une mesure considérée comme anticonstitutionnelle par de nombreux juristes. Dans la pratique, l'intention aurait été d'annuler l'élection de Lula.
Le décret présidentiel - qui n'a jamais vu le jour - prévoyait la création d'une "commission de régulation électorale" pour remplacer le TSE, avec à sa tête une majorité de membres issus du ministère de la Défense (8 sur 17).
Le document n'est pas daté, mais le nom de Jair Bolsonaro se trouve à la fin, sur un espace prévu pour sa signature.
"Coup d'Etat"
"Pendant que 33 millions de personnes souffraient de la faim, ils préparaient un coup d'Etat", a tweeté vendredi le sénateur de gauche Randolfe Rodrigues, leader du bloc parlementaire du gouvernement Lula à la chambre haute.
"Cela montre que ce que nous avons vu le 8 janvier n'était pas un acte isolé. (Le projet de décret) est l'un des maillons d'une chaîne putschiste", avait déjà déclaré Flavio Dino jeudi soir.
La Police fédérale a dit à l'AFP qu'elle ne pouvait pas commenter une enquête en cours.
M. Torres a déclaré jeudi soir sur Twitter que ce brouillon se trouvait "probablement dans une pile de documents censée être détruite en temps voulu", et a affirmé que sa divulgation était hors contexte.
L'ancien ministre occupait depuis le 2 janvier le poste de chef de la sécurité du District fédéral de Brasilia, mais était parti en vacances juste après.