Dans un contexte de sanctions économiques vis-à-vis de la Russie en rapport avec la guerre en Ukraine, l’Allemagne, qui importait avant la guerre près de 55% de son gaz en Russie, craint une coupure de gaz à l’approche de l’hiver.
Le géant russe Gazprom a annoncé une nouvelle réduction de ses livraisons de gaz vers l’Allemagne et l’Europe à compter de demain arguant de la nécessité de maintenance d’une turbine. Le gazoduc Nord Stream ne devrait plus fournir que 20 % de ses capacités contre 40 % actuellement.
Le ministre de l'Economie Robert Habeck a tiré la sonnette d'alarme le mois dernier en reconnaissant que la situation énergétique du pays était d'une gravité inédite. "Nous sommes déjà dans une situation où l'Allemagne n'a jamais été. Rien que si les livraisons de gaz russe restent aussi faibles qu'elles le sont actuellement, nous courons à la pénurie de gaz", a-t-il expliqué.
"Choix de société difficiles"
"Nous devrons faire des choix de société très difficiles", a lancé Habeck. "Il faudrait fermer certains secteurs industriels […] Tous les processus d’économie de marché seraient alors suspendus. Pour certains secteurs, ce serait catastrophique. Nous ne parlons pas de deux jours ou de deux semaines, mais d’une longue période. Nous parlons ici de personnes qui seraient au chômage, de régions qui perdraient des complexes industriels entiers", a-t-il détaillé dans une interview à Der Spiegel.
"Si nous ne recevons plus de gaz russe (…) les quantités actuellement stockées ne suffiront que pour un ou deux mois", alerte Klaus Müller, le président de l’Agence fédérale des réseaux.
Limiter la consommation
L’Allemagne cherche donc à réduire sa consommation énergétique. Alors que certains grands groupes comme Henkel, l’un des poids lourds de la bourse de Francfort, envisagent de réintroduire le télétravail pour économiser de l’énergie, d’autres comme BASF, grand groupe chimique, prévoient de mettre une partie des salariés en chômage partiel.
Des villes ont déjà diminué la température de l’eau des piscines ou l’éclairage urbain. Une coopérative immobilière près de Dresde, a décidé de couper l’eau chaude la nuit dans ses 600 logements, tandis que le premier groupe immobilier allemand, Vonovia, a annoncé son intention de limiter à 17 degrés la température du chauffage central la nuit dans ses 350.000 logements.
Le quotidien conservateur de Francfort rapporte que dans de nombreuses enseignes de bricolage, les dispositifs de chauffage à air pulsé sont désormais en rupture de stock, et les ventes en ligne explosent. Les Allemands se ruent sur les radiateurs électriques, ce qui peut représenter un danger pour le réseau électrique en hiver.
Retour au nucléaire
Pour faire face à la pénurie de gaz, le Parlement allemand a adopté, jeudi 7 juillet, un premier plan qui prévoit un recours accru aux centrales à charbon et des mesures d’économies. Ainsi, la centrale au lignite de Bexbach, classée comme l’une des plus polluantes d’Europe, qui avait été "mise en réserve" en 2017, va reprendre son activité.
Selon la presse allemande, en cas de menace de pénurie d’électricité l’hiver prochain, la direction du parti dans la coalition gouvernementale allemande des Verts a également accepté de prolonger pendant 6 mois la centrale nucléaire Isar 2 dans l’Est de la Bavière, qui était censée s'arrêter en fin d'année.
Le retour au nucléaire constitue un virage dans la politique énergétique allemande, basée sur l'arrêt du nucléaire, le gaz et l'augmentation du renouvelable.
Selon le ministère de la Transition énergétique française, la France pourrait également livrer du gaz à l’Allemagne. La Première ministre Elisabeth Borne avait déjà indiqué que la France devrait fournir une petite partie de son gaz à l'Allemagne.
Un plan européen
L’Union européenne avait proposé la semaine dernière de diminuer de 15% la demande européenne de gaz à partir du mois d'août, afin de pouvoir passer l'hiver sans catastrophe majeure.
Les États membres de l'Union européenne ont approuvé mardi un plan de réduction coordonnée de leur consommation de gaz pour réduire leur consommation de gaz et aider l’Allemagne en cas d’urgence.
"Ce n'était pas une mission impossible! Les ministres (de l'Énergie des 27 réunis à Bruxelles) sont parvenus à un accord politique sur la réduction de la demande de gaz en prévision de l'hiver prochain", a annoncé le compte Twitter de la présidence tchèque du conseil de l’UE.
"La solidarité européenne est absolument essentielle (…) Nos chaînes de production industrielles sont complètement interdépendantes. Si la chimie tousse en Allemagne alors c’est toute l’industrie européenne qui peut s’arrêter ", a déclaré la ministre française Agnès Pannier-Runacher.
"Ce n'est pas seulement un problème allemand, c'est un problème de l'Europe centrale et orientale qui s'est trop longtemps reposée aveuglément sur le gaz russe bon marché. Et nous devons maintenant résoudre cela ensemble", a déclaré Habeck.
"L'Allemagne a commis une erreur stratégique dans le passé" en cultivant cette dépendance envers Moscou et le gouvernement travaille d'arrache-pied pour la supprimer, a-t-il expliqué.