En se représentant pour un second mandat, le président algérien Abdelmadjid Tebboune savait qu'il serait attendu au tournant. Lors de la campagne électorale, le dirigeant de 79 ans avait pris des engagements essentiellement liés à l’économie. Mais les attentes de la population vont bien au-delà. Comme beaucoup d’habitants de la région d’Afrique du Nord, les Algériens se plaignent depuis quelques années des ravages de l’inflation et d’une hausse du coût de la vie. Pour répondre à ces besoins, le chef de l’État a formulé des promesses. À commencer par une hausse cyclique des salaires dans la fonction publique. Entamée en 2020, cette revalorisation a atteint 47% en janvier dernier. L’objectif est de la porter à 100% d’ici à 2027, avec des augmentations qui s’étaleront sur les années à venir. Les syndicalistes et les autres formations politiques de l’opposition estiment que ce n’est “pas assez”, comme le déplore pour TRT Français Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat algérien des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef). Ce que ne conteste pas Abdelmadjid Tebboune, qui estime cependant que les augmentations de salaires doivent tenir compte des capacités financières de l’État.
En plus des revalorisations salariales, le président algérien compte également rehausser la valeur de la monnaie nationale, le dinar algérien, pour stopper l’inflation importée. Il projette aussi d’augmenter l’allocation chômage qui concerne actuellement près de 2 millions de jeunes de moins de 40 ans en recherche d’un premier emploi.
Le chômage, une plaie ouverte
Les réformes voulues par le président seront-elles suffisantes pour répondre aux besoins des Algériens sur des questions de société pressantes et complexes? Il est difficile d’évaluer les besoins dans le domaine de l’emploi. En effet, le taux de chômage n’est pas connu, les chiffres officiels du chômage n’étant plus fournis depuis 2020 en raison notamment du poids du secteur informel dans l’économie algérienne. “La création de grands projets économiques va absorber le chômage”, indique à TRT Français Noureddine Benbraham, président de l’Observatoire national de la société civile (ONSC). Le chef de l’État promet lui la création de 450 000 emplois au cours des cinq prochaines années, sans en donner les recettes. “Les facilitations accordées pour la création d’entreprises vont aider à embaucher énormément de jeunes”, a prédit sur Berbère Télévision (BRTV) Kamel Kheffache, professeur d’économie à l’Université de Tizi Ouzou. Mais cela ne semble pas suffire, puisque de nombreux jeunes, qui représentent plus de 75% de la population - notamment des médecins et des informaticiens -, choisissent de quitter le pays pour aller travailler en Europe où les salaires et les conditions de vie sont plus attractifs. Leur redonner de l’espoir est “un devoir”, a estimé le juriste Brahim Meziani sur BRTV.
Parmi les priorités du président Tebboune, la réforme de l’État constitue une urgence. Lors d’un déplacement à Tizi Ouzou (centre) en juillet dernier, il avait estimé qu’il s’attellerait à créer de nouvelles collectivités locales (des départements et communes) pour une meilleure gestion du territoire. Aujourd’hui, le pays compte 58 wilayas (départements), un nombre que tous les observateurs jugent insuffisant pour le plus vaste pays d’Afrique. Des habitants des régions du Sahara se plaignent souvent des distances importantes qu’ils doivent parcourir pour réaliser de simples papiers d’identité ou accéder à des structures de santé. À cela s’ajoute une mauvaise répartition des budgets qui font de ces régions des oubliées du développement, même si des efforts ont été fournis ces dernières années dans ce sens.
“Des mesures d’apaisement”
Sur le plan politique, beaucoup d’Algériens attendent un nouveau cap. “L’Algérie appartient à tout le monde. Le chef de l’État doit écouter tous les Algériens, même les plus fervents opposants”, a résumé Abdelkrim Dahmane, vice-président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste modéré) à TRT Français. Certains partis réclament également la libération des détenus d’opinion, que des défenseurs des droits de l’homme estiment à environ 200, et l’ouverture des champs politique et médiatique. De son côté, le chef de l’État qui évoque rarement le sujet, a estimé récemment lors d’une rencontre avec certains partis politiques qu’il n’existait pas dans le pays de “détenus politiques”. Des opposants, dont le candidat à la dernière élection présidentielle, Youcef Aouchiche, réclament des “mesures d’apaisement”, avec la libération de ces prisonniers.
En plus des questions internes, Abdelmadjid Tebboune a un agenda international à gérer. Il veut faire de l’Algérie un “pays émergenẗ” qui pèse dans son environnement géopolitique en proie à une instabilité chronique. Pour cela, il va tenter d’éteindre le brasier en cours au Sahel, notamment au Mali où Alger n’a plus les manettes pour gérer la crise politique de son voisin du Sud depuis que les autorités de Bamako ont dénoncé les Accords d’Alger de 2015 qui visaient à mettre fin à la crise politique dans ce pays. Les derniers événements survenus dans le nord de ce pays ont donné raison à la démarche algérienne basée sur la nécessité d’une solution politique au conflit intermalien et, au-delà, dans toute la région sahélienne. Le chef de l’État algérien a redit récemment sa volonté de “préserver les liens de fraternité” avec ces pays. Mais des observateurs attendent surtout des démarches concrètes. Une chose est certaine: Alger a toujours martelé que les solutions militaires et les interventions étrangères n’ont jamais réglé les problèmes.