Quand un ministre de l’Intérieur s’affranchit des lois pour se construire une image politique, cela donne d’abord un ordre d’expulsion qui tourne au désastre diplomatique et des juges du tribunal administratif qui révoquent la décision car elle n’est pas fondée.
Le 6 février dernier, le tribunal de Melun a annulé l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) visant l’influenceur Doualemn. Selon les magistrats, l’ordre d’expulsion d’urgence n’était pas fondé, dans la mesure où l’influenceur vivait légalement en France. Cette décision judiciaire n’empêche cependant pas l’administration française de lancer une expulsion ordinaire, dans les délais requis.
Mais depuis la décision judiciaire, les magistrats sont la cible de menaces de cyberharcèlement et de mort sur les réseaux sociaux, leurs noms et photos ayant même été diffusés. La fachosphère se déchaîne et a appelé à décapiter le premier vice-président du tribunal administratif et à pendre haut et court la présidente du tribunal.
Il a fallu l’interpellation du ministre Retailleau en direct sur une radio nationale pour qu’une enquête soit ouverte. Le parquet de Paris et son Pôle national de lutte contre la haine en ligne sont désormais chargés de ce dossier.
Un ministre livre des juges à la vindicte populaire
Sur France Inter, un magistrat a interpellé le ministre de l’Intérieur en direct, lui a rappelé que les juges n’avaient fait qu’appliquer la loi, une loi qu’il a lui-même votée en 2014 lorsqu’il était député. “Je voulais juste vous rappeler, monsieur le ministre, que le jugement, qui apparemment a eu l’air de vous contrarier, d’annulation de l’OQTF, n’est que la stricte application du droit. Et notamment l’article L432-12 du code des étrangers. Le magistrat n’a fait qu’appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi.”
C’est bien le nœud du problème., Bruno Retailleau s’est permis de critiquer la décision du tribunal et a livré les magistrats à la vindicte populaire. Le 6 février, vexé et contrarié, il a dénoncé sur LCI, “tous les obstacles qu’on rencontre lorsque l’on veut appliquer la loi et expulser des individus qui n’ont rien à faire sur notre territoire”.