Professeure de mathématiques de 1994 à 1996 à Notre-Dame-de-Bétharram, à l'époque où une première plainte est déposée par un parent d'élève et où M. Bayrou était ministre de l'Education, elle lui "fait un courrier" et n'obtient pas de réponse, réitère Françoise Gullung.
Elle avait affirmé début février avoir alerté à plusieurs reprises les autorités (protection de l'enfance, diocèse) pour "dénoncer une atmosphère d'agressivité et de tensions anormales".
Dans un entretien accordé au média d'investigation indépendant en ligne Mediapart, elle raconte une scène avec l'épouse de M. Bayrou, qui enseignait le catéchisme à l'époque dans l'établissement, où plusieurs enfants du couple ont été scolarisés.
"Il y avait une salle de classe dans laquelle on entendait un adulte hurler sur un enfant, on entendait les coups et on entendait l'enfant qui suppliait qu'on arrête", se souvient-elle.
"Je me retourne vers Elisabeth Bayrou et je lui demande ce qu'on peut faire. Pour moi ça veut dire qu'à deux, on peut peut-être ouvrir la porte. Mais elle n'a pas compris ça. Elle m'a simplement répondu, je ne me souviens pas des termes exacts, mais que ces enfants, il n'y en avait rien à en tirer", ajoute Mme Gullung.
"J'avais l'impression que pour elle, ces enfants-là étaient d'une espèce inférieure aux siens (...), que c'était normal qu'on les batte."
Elle évoque aussi un jour de 1995, où elle fait part à François Bayrou de ses inquiétudes, de vive voix, lors d'une cérémonie à Pau (sud-ouest), la commune dont le chef du gouvernement est maire.
"Je lui dis qu'il faut faire quelque chose car c'est très grave ce qui se passe à Bétharram. Et il lui répond: +oui, on dramatise+."
Deux gardes à vue
Sous pression depuis deux semaines, le Premier ministre a répété à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale et dans la presse, n'avoir "jamais été informé", dans le passé, des faits dénoncés aujourd'hui dans cette affaire, sur laquelle le parquet de Pau a reçu plus d'une centaine de plaintes.
Jeudi soir, deux anciens surveillants de l'établissement catholique étaient toujours en garde à vue dans le cadre de cette affaire. Le parquet a en revanche "mis un terme" à celle d'un troisième homme, un ex-prêtre nonagénaire, sans en dire davantage sur la procédure judiciaire à ce stade.
Les victimes, enfants ou adolescents à l'époque des faits, décrivent des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
Des "faits graves", "en contradiction totale avec l'esprit de l'enseignement catholique", a dénoncé jeudi la Conférence des évêques de France (CEF) dans un communiqué.
Les trois hommes, nés en 1931, 1955 et 1965, avaient été interpellés mercredi pour des "viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et/ou violences aggravées", sur une période comprise "entre 1957 et 2004" selon le parquet.
Par ailleurs, une commission d'enquête parlementaire sur le contrôle par l'État français des violences dans les établissements scolaires a été officiellement créée jeudi, dans le sillage de cette affaire. La désignation du ou des rapporteurs est prévue le 5 mars.