Cette dernière est-elle vouée à disparaître ou à se renouveler ? Pour mieux comprendre les enjeux liés à cette question concernant cette institution, TRT Français est allé à la rencontre de Jean-Christophe Bas, président de "Connecters for Peace" et ancien Directeur du développement à "Alliance des Civilisations" des Nations-Unies.
Dans quel contexte s’est organisée la 77ème cette assemblée générale pour l'ONU? Quel est son rôle principal ? Tout d’abord, il est important de rappeler que cette assemblée générale des Nations unies est la première qui s'est tenue depuis le 24 février, date du début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. C'est la première fois que l'ensemble de la communauté internationale se retrouve dans un même lieu sous l'égide des Nations unies. Naturellement, elle a mis au cœur de ses débats le conflit en Ukraine. Il est intéressant de noter, et cela a été très peu relevé, que l'annonce du président Poutine de la mobilisation et de la montée en puissance du conflit s'est tenue exactement au moment de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies. Il l'a fait délibérément parce qu'il voulait s'inviter au milieu de ce grand débat et de profiter de cette espèce d'éclairage médiatique. Il faut savoir que l'ensemble des médias du monde entier sont à New-York, sur la première avenue, pendant ces quelques jours de l'assemblée générale. Elle a comme rôle principal de prendre le pouls des aspirations de toutes les nations du monde. D’ailleurs, cette assemblée générale a montré que l'ensemble de la communauté internationale était attaché à des principes fondamentaux comme la souveraineté nationale, l'intégrité territoriale des pays et la coopération internationale. Il me semble que c'est à partir de ces principes fondamentaux qu'il faut commencer à reconstruire, retisser des liens de confiance dans le respect des différentes cultures et des différentes civilisations. Pour vous, quels ont été les discours et les messages marquants de cette 77ᵉ session de l'Assemblée générale de l'ONU?
Tout dépend de quel point de vue on se place ! Mais si on essaye d'être un observateur neutre et ayant une perspective globale, je répondrai en disant que c'est plutôt des séries ou des catégories de discours. J’en relève trois grandes.
Premièrement, l'assemblée générale a montré que le monde occidental était à l'unisson et qu'il s'était certainement renforcé ou en tout cas redonné une certaine vigueur. N'oublions pas que nous sommes à peine un an après le retrait calamiteux des Américains et des forces alliées en Afghanistan.
Deuxièmement, je pense que cette réunion de l'assemblée générale a montré un certain isolement de la Russie et du président Poutine. Il est d'ailleurs symptomatique de voir que quasiment l'ensemble des dirigeants de la planète étaient présents, mais que le président Poutine n'était pas là.
Troisièmement, les dirigeants du monde émergent (Pays des BRICS ou du G20), qui n’ont jamais prononcé de condamnation claire et nette de l’action de Poutine en Ukraine, ont tous réaffirmé à leur façon les principes fondamentaux de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale. En guise d’exemple, je pense aux discours du Premier ministre indien, du Président Erdogan ou encore celui du chef de la diplomatie chinoise. Ils ont très clairement appelé à une désescalade immédiate, à un processus de paix immédiat et ont tous rappelé le principe fondamental de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale. Et ça, je crois que c'est très important.
L’ONU semble parvenue à un tournant, que faudrait-il faire pour qu’elle maintienne la flamme et l’adhésion de toutes les nations de ce monde ? Ayant travaillé sept ans aux Nations unies, j'ai pu l'observer de l'intérieur, je suis persuadé que si l'on veut raviver la flamme, voire renforcer le rôle et la légitimité des Nations unies, il faut réfléchir et agir rapidement pour réformer l’institution. Il faut la rendre plus ouverte et plus inclusive. C'est sa seule chance de survie, car il y aujourd’hui une défiance grandissante envers elle. Ces quinze dernières années, ont été fondées toute une série d'organisations intergouvernementales qui se veulent être un petit peu des ONU bis (l'Organisation de la coopération de Shangaï, la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures). Il faudrait à tout prix éviter qu'une partie du monde, et notamment le monde émergeant, se retire progressivement des Nations unies en considérant que cette institution n'est pas suffisamment inclusive. Et à ce titre, il est intéressant de noter que plusieurs dirigeants, au cours de l'Assemblée générale, ont lancé des appels très forts pour une plus grande ouverture.
Je citerai deux exemples. Le premier appel est celui du président Erdogan qui a eu cette formule forte "le monde n'est pas seulement cinq". Il faut effectivement faire en sorte que tous ceux qui jouent un rôle de médiation, de développement, de paix puissent contribuer effectivement à la réflexion, à l'action et à la décision des Nations Unies. Le second appel est celui du président Macron ayant dit qu'il soutiendrait lui-même une réforme du fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est assez rare d'ailleurs, qu'un pays membre du Conseil de sécurité lui-même, œuvre dans le sens de l’ouverture.
La crise actuelle de l’ONU est-elle en même temps source d’espoirs ?
Oui. Je crois qu'il y a là peut être un tournant lié à cette crise existentielle. Je pense que c'est la vertu de ces crises existentielles, c'est qu'elles participent à des prises de conscience et des avancées. Vous savez, il y a une formule en anglais qui dit : never waste crisis, ne gâcher jamais une crise. Et là, nous sommes dans une crise existentielle pour le monde entier. Nous devons saisir cette opportunité pour effectivement mener des vraies avancées et rétablir des équilibres internationaux. Il faut réinventer ou inventer des formes de coopération internationale où l'ensemble des parties prenantes considèrent qu'elles ont effectivement voix au chapitre.
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