A propos des événements de 1915, la Turquie soutient que les Arméniens de l'Est de l'Anatolie ont été tués en raison de leur soutien aux envahisseurs russes et de leur révolte contre les forces ottomanes. Le déplacement ultérieur des Arméniens a fait de nombreuses victimes.
Au regard des conséquences tragiques que cette période a induites pour toutes les communautés concernées, Ankara a proposé en 2005 la création d'une commission mixte composée d'historiens turcs, arméniens et d'experts internationaux pour aborder cette question.
Il est important de ne pas oublier les 800 années d'histoire des relations turco-arméniennes, basées principalement sur l'amitié, la tolérance et une coexistence pacifique, et de ne pas considérer les relations historiques uniquement par le prisme de l'interprétation unilatérale et accusatoire des événements de 1915.
Que s’est-il passé ?
La Première Guerre mondiale a causé une catastrophe sans précédent, avec au moins 16 millions de morts et plus de 20 millions de blessés. Dans ce contexte, les empires ottoman, austro-hongrois et russe se sont tous effondrés, entraînant des changements de frontières spectaculaires et des migrations massives. Cependant, le déclin de l'Empire ottoman avait déjà commencé avant la guerre, en raison des courants nationalistes venus de l'Occident et entraînant une perte de terres significative et un affaiblissement conséquent de la structure de l'État. Les dernières années de l'Empire Ottoman ont été marquées par une tragédie pour toutes les communautés qui y vivaient, y compris les Turcs, les Arméniens et d'autres nations.
À partir de la seconde moitié du 19ème siècle, le soutien apporté par certains organismes arméniens influents aux politiques de la Russie tsariste visant à affaiblir et diviser l'Empire ottoman a été considéré comme un problème de sécurité majeur.
Les actions séparatistes et les révoltes de ces groupes, ainsi que les attaques armées qu’ils ont menées dans les zones où la population musulmane ottomane était prédominante, ont aggravé la menace. Pendant la Première Guerre mondiale, certains groupes radicaux arméniens ont uni leurs forces avec l'armée russe pour créer une Arménie ethniquement homogène.
En 1915, le gouvernement ottoman a ordonné la déportation de la population arménienne des zones de guerre et des zones à proximité vers des provinces éloignées des voies de transport de l'armée russe.
Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour assurer la sécurité des personnes déportées, les circonstances de guerre (révoltes internes, bandes locales cherchant à se venger, famine et épidémies) ont donné lieu à des tragédies.
Il n'y a pas de preuve que le gouvernement avait un plan préconçu pour massacrer les Arméniens sachant que la structure socio-culturelle ottomane n'a jamais eu de tendances racistes.
Aucune preuve de "génocide"
De nombreux historiens étrangers dont Bernard Lewis et Gilles Veinstein refusent de qualifier les évements de “génocide”, tout en reconnaissant la souffrance des Arméniens. Ils estiment que les événements de 1915 ne peuvent pas être qualifiés de “génocide” sans un compte-rendu complet et sans preuves directes des conditions spécifiques de la Convention de 1948 sur le "génocide".
Lewis soutient que les Arméniens ne furent pas l’objet d’une campagne de haine, même si les Ottomans avaient de solides raisons de se méfier des Arméniens qui voyaient dans les Russes "leurs libérateurs" et dont bon nombre s’enrôlèrent dans l’armée tsariste.
"Il n'existe aucune preuve sérieuse d'une décision et d'un plan du gouvernement ottoman visant à exterminer la nation arménienne", avait-il affirmé dans Le Monde.
Selon Veinstein, il n'est pas prouvé de manière irréfutable que l'autorité ottomane avait prévu et planifié les massacres, critère pour qualifier un évenement de "génocide".
Une définition illégale
Décrire les événements de 1915 comme un “génocide” sans une telle preuve est injuste et contraire au droit international. Pour qu'un événement soit qualifié de “génocide”, il est nécessaire qu'un tribunal international compétent rende un jugement dans ce sens.
Etant donné que le "génocide" est une accusation grave, l'auteur de la demande doit fournir des preuves tangibles pour étayer ses allégations, en particulier en ce qui concerne l'existence d'une intention génocidaire. Dans le cas de l'Holocauste, des génocides au Rwanda et à Srebrenica, seule une juridiction internationale spécialisée pourrait évaluer si les crimes commis constituent un "génocide". Par conséquent, qualifier les événements de 1915 de "génocide" sans l'évaluation d'un tribunal international compétent est illégal.