Les Libanais votent dimanche pour choisir leurs députés, un premier test pour les candidats indépendants et groupes d'opposition ayant émergé à la suite d'un soulèvement populaire déclenché en octobre 2019 pour exiger le départ d'une classe politique accusée de corruption et d'incompétence.
Le scrutin devrait cependant maintenir le statu quo en faveur des forces politiques traditionnelles, pourtant tenues pour responsables de la pire crise socio-économique de l'histoire du Liban, préviennent les experts.
Et la loi électorale a été taillée à l'avantage des forces au pouvoir dans un pays régi par un système de partage communautaire du pouvoir alimentant corruption et clientélisme.
Dès 07H00 (04H00 GMT), les bureaux de vote ont ouvert, au milieu d'un déploiement sécuritaire important, pour les quelque 3,9 millions d'électeurs appelés aux urnes pour renouveler les 128 membres du Parlement. Les résultats sont attendus lundi.
Le ministère de l'Intérieur avait promis que le courant électrique serait fourni aux bureaux de vote mais les médias locaux ont rapporté des coupures.
"Je suis venue voter car c'est la moindre des choses", a déclaré à l'AFP Nayla, étudiante de 28 ans, après avoir voté à Gemmayzeh dans la capitale. "Nous espérons que le changement attendu advienne, après des années difficiles", a-t-elle ajouté, se disant "en faveur de nouveaux visages".
Selon des experts, des candidats indépendants devraient gagner plus de sièges qu'en 2018, mais aucun changement majeur dans l'équilibre des forces n'est attendu.
Corruption
Les élections se tiennent conformément à une loi adoptée en 2017, taillée à l'avantage des partis au pouvoir, et en l'absence du principal leader sunnite Saad Hariri, qui les boycotte.
Les législatives de 2018 avaient été dominées par le puissant Hezbollah chiite pro-iranien et ses alliés, notamment le Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun et le mouvement chiite Amal, du président du Parlement Nabih Berri.
"Paradoxalement, les premières élections nationales au Liban depuis le début de la crise semblent peu susceptibles de faire une grande différence", écrit le chercheur Sam Heller dans un article publié sur le site du groupe de réflexion américain The Century Foundation.
"Il semble peu probable que ces élections modifient considérablement la composition du Parlement libanais ou la manière dont la politique est menée au pays", ajoute-t-il.
Le Liban est englué depuis 2019 dans une crise socio-économique classée par la Banque mondiale comme la pire au monde depuis 1850 et causée par des décennies de mauvaise gestion et de corruption d'une classe dirigeante quasi inchangée depuis des dizaines d'années.
En près de deux ans, la monnaie nationale a perdu plus de 90% de sa valeur sur le marché noir et le taux de chômage a presque triplé. Près de 80% de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté, selon l'ONU.
Il s'agit par ailleurs des premières législatives depuis l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts et ravagé des quartiers entiers de la capitale.
La chute libre de l'économie et l'effondrement des services publics de base ont poussé un grand nombre de Libanais à quitter le pays.
Clientélisme
Mais certains, comme Mariana Vodolian, porte-parole des familles des victimes de l'explosion au port, espèrent un changement à travers ces élections.
"Ces élections représentent une chance pour le changement, pour réclamer des comptes aux responsables afin que nous puissions continuer de vivre dans ce pays", a dit à l'AFP la femme de 32 ans.
Malgré la grogne, la classe politique profite de l'absence de l'Etat, désormais incapable de fournir les services de base tels que l'électricité, les médicaments ou le carburant, pour activer ses réseaux de clientélisme communautaire traditionnel, cherchant à gagner la faveur des électeurs en offrant des aides financières.
Une approche qui pourrait s'avérer payante dans un contexte de crise profonde, d'autant plus que les candidats indépendants manquent d'expérience, de ressources et ne présentent pas un front uni, selon des experts.
Dans une enquête de l'ONG Oxfam en avril sur la participation électorale, 43,55% des Libanais sondés ont dit qu'ils s'abstiendraient, plus de la moitié justifiant leur décision par l'absence "de candidats prometteurs".