1) Que s’est-il passé à Tinzaouatene ?
Le 27 juillet dernier, près de Tinzaouatène à la frontière entre le Mali et l’Algérie, l’armée malienne a affronté une alliance des groupes armés séparatistes à dominante touareg (CSP-DPA), alliée pour la circonstance à des terroristes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affiliés à Al-Qaïda. Les rebelles ont pris le dessus grâce à une "tempête de sable", qui aurait empêché la mobilisation de moyens aériens.
L’armée malienne a reconnu "un nombre important" de morts dans ses rangs, alors que les séparatistes se félicitent "d'une victoire éclatante".
"L’unité FAMa (forces armées maliennes) a été encerclée par la coalition des forces terroristes du Sahel et de violents combats se sont engagés avant l’arrivée de renforts. La bravoure et la détermination exemplaire de nos soldats n’ont pas permis d’éviter un nombre important de pertes en vies humaines et matérielles", souligne l’état-major des armées dans son communiqué lu à la télévision nationale malienne, sans donner de chiffres.
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2) Quel est le contexte dans le nord du Mali ?
L’armée malienne a lancé une vaste opération de reconquête du nord du pays au premier trimestre de 2023. Les groupes armés séparatistes ont ainsi perdu le contrôle de plusieurs localités du Nord. Kidal, bastion de la revendication séparatiste et enjeu de souveraineté majeur pour l’État central, a été repris par l’armée.
Les forces russes du groupe Wagner ont contribué à cette opération, sur fond d’allégations d’exactions sur la population civile. Les autorités ont toujours démenti.
Outre les rebelles indépendantistes, le Mali est aussi en proie depuis 2012 aux attaques des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique notamment.
Le pouvoir militaire de transition dirigé par le colonel Assimi Goïta a depuis 2022, multiplié les actes de rupture avec la France, les Nations unies et ses partenaires européens. Il s’est tourné vers la Russie avec qui il a noué un partenariat militaire.
3) Quels sont les enjeux ?
Kidal, place forte du nord du Mali, est considéré par l’armée comme le symbole de la défiance aux autorités centrales à Bamako. Stratégiquement, c’est un carrefour au confluent de la frontière algérienne (située à 1500 kilomètres), des grandes villes du nord du Mali comme de Gao et Tombouctou (distantes d’une centaine de kilomètres) et de la frontière nigérienne.
Le contrôle de Kidal représente une étape décisive vers la reconquête totale de l’intégrité territoriale du Mali.
4) Qui sont les rebelles ?
La rébellion initiée par des tribus Touareg a lieu dans le nord du Mali depuis 2012. Ce peuple de nomades s’est soulevé pour revendiquer l’indépendance du nord du Mali. Il s’agit d’un territoire de 822 000 km2 que les séparatistes appellent Azawad. D’où la naissance d’une multitude de mouvements rebelles se revendiquant de l’Azawad.
Pour le chercheur Seidick Abba, spécialiste du Sahel, il convient de distinguer deux groupes opposés aux autorités maliennes. Les signataires de l'accord d’Alger, avec des groupes armés comme le MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) ou encore le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) qui se sont associés pour créer la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), une plateforme qui comprend, également, une branche du Mouvement arabe de l’Azawad et une tendance du Groupe d’autodéfense Imghad et Alliés (GATIA).
Il y a également des non-signataires de l’accord malgré leur participation à la rébellion. Ces groupements n’ont que des revendications politiques. C’est dans cette catégorie qu’on retrouve le MSA, Mouvement pour le salut de l’Azawad de Moussa Ag Daoussahak.
Le secrétaire général du MSA est, du reste, membre du Conseil national de la transition (le parlement provisoire).
Les mouvements armés ont mutualisé leurs forces pour créer une coalition appelée “Cadre Stratégique Permanent pour la Paix, la Sécurité et le Développement (CSP-PSD)”.
Outre ces groupes armés, d’autres groupes terroristes cherchent à instaurer un modèle de société dans le nord du Mali.
Parmi les deux grands groupes, on retrouve le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), allié d’Al-Qaïda, et l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS).
L’agenda de ces groupes terroristes contraste avec les intérêts des groupes rebelles. La coexistence est difficile. En 2012, après avoir aidé les combattants de l’Azawad à conquérir des villes du nord du Mali, les terroristes s’étaient imposés avant d’être délogés en 2014 par les forces françaises de la mission Serval.
Aujourd’hui, rebelles et terroristes font une coalition opportuniste pour combattre l’armée malienne à Tinzaouatene.
5) L'Ukraine serait-elle impliquée ?
Samedi 27 juillet, un convoi de l'armée malienne et des conseillers militaires russes du groupe Wagner est tombé dans l’embuscade des rebelles du Cadre Stratégique pour la Défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), près de Tin Zaouatine à proximité de la frontière algérienne.
Se félicitant de la tournure des évènements, M. Andriy Yusov, porte-parole des services de renseignements militaires ukrainiens, a reconnu l'implication de l'Ukraine dans “l’attaque lâche”, dans un souci de mettre à mal la Russie, son ennemie du moment. Un aveu qui a valu la rupture des relations diplomatiques entre le Mali et l’Ukraine.
Les risques d’importation du conflit russo-ukrainien au Mali sont grands, autant que l’internationalisation de la crise malienne ; l'Ukraine étant soutenue à tour de bras par l’Otan.