Un an après le séisme dévastateur d’Al Haouz, le paysage des montagnes de l’Atlas se transforme lentement, révélant des écarts entre les différentes régions touchées. Alors que Marrakech et ses alentours voient des chantiers progresser, les communes les plus isolées, notamment dans la province de Taroudant, peinent encore à se reconstruire. En témoignent les statistiques officielles : sur les 49 632 logements en chantier, seuls 1 000 ont été achevés. Si 63 862 familles ont bénéficié d’une aide mensuelle de 2 500 dirhams, cette somme semble dérisoire face aux pertes colossales.
Pourtant, au-delà des chiffres, il convient de rappeler que dès les premières heures suivant le séisme, la réponse du Royaume a été marquée par une solidarité structurelle et nationale, mettant en place des objectifs ambitieux. Le Maroc s'est rapidement engagé non seulement dans la reconstruction des logements détruits, mais également dans un effort de désenclavement des zones rurales, isolées bien avant la catastrophe. Ces initiatives visent à transformer durablement ces territoires, un processus complexe qui prendra inévitablement du temps.
C’est d’ailleurs le principal message véhiculé par le Royaume : une démonstration claire de sa capacité à gérer la crise en tant qu’acteur souverain tout en restant ouvert à la solidarité internationale. L’élan solidaire ne s'est pas limité à l'État. Dès les premières heures, des citoyens, associations et entreprises se sont mobilisés pour collecter des fonds et envoyer des aides aux populations affectées, avant que les Forces Armées Royales et l’INDH ne prennent le relais de manière plus structurée. Cette coordination nationale, combinée à l’ouverture internationale, souligne l'efficacité de la gestion marocaine.
L’architecte Khalil Morad El Ghilali, fondateur de l’atelier Be, observe cependant une transformation inquiétante des paysages locaux. “Le béton redessine l’Atlas”, déplore-t-il. Alors que les constructions traditionnelles en pisé, historiquement adaptées aux conditions environnementales et culturelles, cèdent progressivement la place aux bâtiments modernes en ciment, un pan entier du patrimoine architectural et humain risque de s’effacer.
Pourtant, des mesures importantes sont prises pour garantir la durabilité de la reconstruction. Comme l’a récemment souligné le Chef du gouvernement, “des avancées substantielles ont été réalisées dans la reconstruction et la réhabilitation des infrastructures”. Par exemple, la réhabilitation de routes cruciales comme celle reliant Ouirgane à Tlat N'Yacoub progresse, avec des travaux déjà bien entamés. En parallèle, des efforts significatifs ont été déployés dans l’Education avec la rénovation et la construction de nouvelles écoles, ainsi que dans le secteur de la Santé, avec 42 centres de santé prioritaires mis à niveau.
La lenteur du processus administratif s’ajoute aux défis techniques, alourdissant la reconstruction. Toutefois, la résilience des habitants des régions touchées témoigne de leur détermination. En parallèle, la mobilisation des associations locales, bien qu'actives, reste cruciale. “Le séisme d’Al Haouz ne doit pas être perçu comme un événement passé, mais comme une opportunité de reconstruire en mieux”, rappelle Kadiri Nacer, président de l’Interact Club.
Le bilan officiel fait état de 550 écoles détruites, dont certaines ont été réhabilitées à la hâte, mais les efforts pour offrir des solutions durables restent insuffisants.
Ce constat est partagé par de nombreux habitants des régions touchées. Omar, un habitant de la commune de Ouneine (province de Taroudant), fait part de son sentiment d’abandon : « Nous n’avons pas encore vu la moindre indemnité, et l’hiver approche. » La situation devient d’autant plus urgente que certaines familles vivent toujours sous des tentes, dans l’attente de l’autorisation pour entamer les travaux de reconstruction. L’approche de l’hiver ne fait qu’aggraver les tensions, surtout dans les zones montagneuses où les conditions climatiques sont particulièrement rudes.
Loin des montagnes, Marrakech elle-même n’est pas en reste. Si la médina a échappé aux pires ravages, la complexité du chantier de reconstruction dans cette zone historique reste un véritable casse-tête pour les autorités. L’accès limité aux ruelles étroites rend l’intervention des engins de démolition particulièrement difficile. Pour de nombreux opérateurs impliqués dans ce processus, la reconstruction s’avère plus complexe que prévu. « Nous avons dû conjuguer entre rapidité d’intervention et préservation du patrimoine », explique un opérateur anonyme, soulignant l’équilibre délicat à trouver entre modernisation et conservation de l’héritage historique.
Un an après le séisme, la région d’Al Haouz témoigne de la résilience de ses habitants et de la complexité d’une reconstruction qui doit allier urgence, respect des traditions et préservation de l’identité locale. Ce chantier titanesque ne fait en réalité que commencer.