Le port stratégique de Marioupol, que Moscou assure avoir "libéré", résiste encore aux forces russes, affirme Kiev, selon qui des combattants ukrainiens continuent de défendre avec acharnement l'immense complexe métallurgique Azovstal où sont également retranchés des civils.
"Il n'y a pas un seul bâtiment non endommagé à Marioupol. Une ville littéralement brûlée", s'est indigné jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un discours prononcé devant le parlement du Portugal.
"Pendant plus d'un mois, les troupes russes ont assiégé Marioupol (...) Des centaines de milliers de civils étaient (coincés) là, sans nourriture, sans eau, sans médicaments. Sous des bombardements constants", a-t-il relaté.
La chute totale de Marioupol, un grand port industriel sur la mer d'Azov devenu ville-martyre et champ de ruines après bientôt deux mois de pilonnage et de siège russes, constituerait une victoire importante pour Moscou, qui cherche à créer un pont terrestre reliant la Crimée annexée en 2014 avec les zones séparatistes pro-russes dans la région du Donbass.
Jeudi, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que les forces russes avaient "libéré" Marioupol, ordonnant d'assiéger les derniers combattants ukrainiens plutôt que de donner l'assaut sur le site industriel d'Azovstal où ils sont retranchés.
Volodymyr Zelensky ne s'est pas déclaré vaincu, assurant que la bataille était toujours en cours.
"Ils ne peuvent que retarder l'inévitable - le moment où les envahisseurs devront quitter notre territoire, en particulier Marioupol, une ville qui continue de résister à la Russie, malgré tout ce que disent les occupants", a-t-il dit dans une allocution vidéo.
"Tenez bon!"
Selon lui, en plus de quelque 2.000 militaires ukrainiens, "environ mille civils, femmes et enfants" et "des centaines de blessés" son réfugiés dans l'immense complexe métallurgique doté de kilomètres de galeries souterraines.
Les combattants ukrainiens à Marioupol refusent de se rendre, tandis que les efforts pour évacuer les civils se poursuivent.
Trois bus d'évacuation de civils partis du port de Marioupol sont arrivés jeudi à Zaporijjia, une grande ville du sud-est de l'Ukraine, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Je ne veux plus entendre de bombardements", a lâché Tatiana Dorash, 34 ans, arrivée avec s on fils Maxim, âgé de six ans, disant juste vouloir une nuit tranquille et "un lit pour dormir".
Les responsables ukrainiens affirment avoir voulu évacuer beaucoup plus de civils de Marioupol, mais accusent les forces russes d'avoir ciblé une route utilisée par des personnes fuyant les combats.
"Nous nous excusons auprès des habitants de Marioupol qui ont attendu l'évacuation aujourd'hui sans résultat", a déclaré la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechouk sur Telegram.
"Les bombardements ont commencé près du point de collecte, ce qui a obligé le couloir (humanitaire) à fermer. Chers habitants de Marioupol, sachez que tant que nous aurons au moins une possibilité, nous ne renoncerons pas à essayer de vous sortir de là ! Tenez bon !".
"Besoin d'armes"
A Kiev, le conseiller du président ukrainien Oleksiy Arestovytch a pourtant relativisé l'offensive russe: "La menace immédiate de perdre Marioupol s'est dissipée".
Selon lui, Moscou n'a pas assez de troupes pour encercler, et donc assiéger, l'aciérie.
De récentes images satellite publiées par la société américaine Maxar Technologies montrent par ailleurs, selon l a compagnie, "l'existence d'un site de fosses communes dans le nord-ouest de Manhush", un village à 20 kilomètres à l'ouest de Marioupol.
Dans ce seul village, "les occupants auraient enterré entre 3 et 9.000 résidents", a affirmé sur Telegram la mairie de Marioupol.
"Ils creusent des trous de trente mètres et amènent les corps de nos résidents de Marioupol dans des camions", a affirmé le maire de la ville, Vadym Boychenko, lors d'un point de presse retransmis sur YouTube. Il a estimé que les bombardements russes avaient fait au moins 20.000 morts à Marioupol depuis le début du siège.
M. Zelensky avait estimé plus tôt, devant les dirigeants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à 7 milliards de dollars par mois l'aide nécessaire pour compenser les pertes économiques causées par la guerre, accusant la Russie de "détruire tous les objets en Ukraine qui peuvent servir de base économique".
Un appel en partie entendu. Jeudi, le président de Etats-Unis Joe Biden a annoncé une nouvelle aide militaire de 800 millions de dollars pour l'Ukraine.
Le Pentagone a précisé que cette nouvelle tranche d'aide comprenait 72 obusiers Howitzer et leurs véhicules, 144.000 obus et 121 drones tueurs Phoenix Ghost.
Jeudi soir, M. Biden a qualifié "les grandes ambitions" de Vladimir Poutine "d'échec".
"Zelensky et son gouvernement démocratiquement élu sont toujours au pouvoir, et les forces armées ukrainiennes accompagnées par les vaillants civils ukrainiens ont déjoué la conquête russe de leur pays", a-t-il écrit.
Cette affirmation n'a pas suffi à dissiper les inquiétudes du président ukrainien, qui a accusé la Russie de chercher à organiser un faux référendum d'indépendance dans les régions de Kherson et Zaporijjia qu'elle occupe dans le sud du pays.
Dans un message vidéo, M. Zelensky a demandé aux habitants des zones sous occupation de ne fournir aucune donnée personnelle, comme leurs numéros de passeport, que leur réclameraient les forces russes.
"Ce n'est pas juste pour mener un recensement. (...) Ce n'est pas pour vous donner de l'aide humanitaire d'aucune sorte. C'est en fait pour falsifier un soi-disant référendum sur votre terre, si l'ordre d'organiser cette comédie arrive de Moscou", a averti le président ukrainien.
L'Ukraine avait déjà accusé, début mars, la Russie de chercher à mettre en scène à Kherson un "référendum" à l'image de celui qui, en 2014, avait scellé l'annexion de la Crimée par la Russie, et qui est considéré comme illégal par Kiev et par les Occidentaux.
Autour de la capitale, les sépultures de fortune découvertes à proximité d'un hôpital de la ville dévastée de Borodianka ont offert des éléments aux experts enquêtant sur les accusations de crimes de guerre portées contre les troupes russes.
Les autorités ont déclaré que neuf cadavres de civils, dont beaucoup ont été abattus, avaient été exhumés de ces tombes.
Les enquêteurs ont rassemblé plus de 1.000 corps de civils dans des rues, des cours ou des sépultures improvisées dans les environs de la capitale ukrainienne, dont certains avaient les mains et les pieds liés ou des blessures par balle dans la nuque, ont expliqué jeudi des responsables.
Cette enquête s'inscrit dans le cadre de la documentation de ce qu'Oleksandre Pavliouk, chef de l'administration militaire régionale de Kiev, a qualifié d'"atrocités" commises à la suite de l'invasion des troupes russes, qui ont par le suite été contraintes de se retirer de la région.