Manifestations de l’opposition au Kenya : gaz lacrymogènes et tensions dans plusieurs villes
La police a dispersé avec des gaz lacrymogènes des manifestants rassemblés à l'appel de l'opposition dans plusieurs villes du Kenya contre la hausse des prix et de nouvelles taxes du gouvernement, qui a promis de répondre fermement à tout débordement
Manifestations de l’opposition au Kenya : gaz lacrymogènes et tensions dans plusieurs villes/ Photo: Reuters (Reuters)

De précédentes journées de mobilisation, en mars, avril et juillet, avaient donné lieu à des pillages et des violences qui ont fait au moins une vingtaine de morts.

Cette fois, la coalition Azimio, menée par le vétéran de l'opposition Raila Odinga, a appelé à trois journées de mobilisation mercredi, jeudi et vendredi contre la politique du président William Ruto, qu'il accuse d'avoir volé la présidentielle d'août de 2022 et d'aggraver la hausse du coût de la vie dans ce pays d'Afrique de l'Est.

"Nous appelons les Kényans à (...) reprendre leur pays avant que cette dictature ne s'enracine fermement", a déclaré mardi Azimio dans un communiqué.

Pour le gouvernement, ces manifestations ne sont "rien d'autre qu'une menace à la sécurité nationale".

Quelques échauffourées ont eu lieu mercredi matin, notamment dans le bidonville de Kibera, fief d'Odinga dans la capitale Nairobi, où la police a fait usage de gaz lacrymogènes, a constaté un journaliste de l'AFP.

Des médias kényans rapportaient également des tirs de gaz lacrymogènes dans les deux autres principales villes du pays, Mombasa (sud-est) et Kisumu (ouest), autre bastion d'Odinga.

Villes au ralenti

Placées sous haute surveillance, ces trois villes, où le gouvernement a ordonné la fermeture des écoles publiques, tournaient au ralenti mercredi.

A Nairobi, les rues habituellement animées étaient vides et de nombreux commerces avaient décidé de garder leurs rideaux baissés, ont constaté des journaliste de l'AFP.

"Aujourd'hui, il n'y a aucune activité. (...) Personne ne se déplace", se navre Daniel Njau Kamau, chauffeur de taxi de 48 ans, dans le centre d'affaires de la capitale kényane.

"Les manifestations ont grandement affecté ma vie, je ne peux pas aller travailler librement", souligne de son côté Monica Njoki, une commerçante de 45 ans, espérant que ces rassemblements "cessent".

"Nous devons donner au président le temps de tenir ses promesses", estime-t-elle.

Elu en août 2022 en promettant de soutenir les plus défavorisés, William Ruto est de plus en plus critiqué, notamment depuis qu'il a promulgué début juillet une loi instaurant de nouvelles taxes, venues ajouter aux difficultés quotidiennes des Kényans, causées notamment par une inflation continue (8% sur un an en juin).

"Niveaux élevés de violence"

C'est la troisième fois depuis début juillet que l'opposition organise de telles journées d'action.

Lors de la précédente, le 12 juillet, des rassemblements, interdits par les autorités, avaient été émaillés de pillages et d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre.

Au moins neuf personnes avaient été tuées et plus de 300 arrêtées. La police, qui avait tiré à balles réelles, a été vivement critiquée pour sa répression contre les manifestants.

Mardi, le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki, a assuré que les autorités avaient déployé "toutes les ressources disponibles" pour s'assurer que les scènes "dont nous avons été témoins (...) ne se reproduisent pas".

L'ONG Human Rights Watch a exhorté mardi les autorités kényanes à protéger le droit des citoyens à manifester pacifiquement.

Treize pays occidentaux, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont exprimé mardi dans une déclaration commune leur inquiétude face aux "niveaux élevés de violence" lors des dernières manifestations, exhortant les différentes parties à "résoudre pacifiquement leurs différends".

"Ce serait mieux que nos dirigeants s’assoient, discutent et résolvent ce problème", a abondé Peter Kajinji, un homme d'affaires de 62 ans, à Nairobi.

Selon une association d'organisations du secteur privé (Kepsa), chaque journée de mobilisation fait perdre l'équivalent de 3 milliards de shillings (environ 19 millions d'euros) à l'économie du pays.

AFP