"La guerre du président russe Vladimir Poutine en Ukraine remet fondamentalement en question notre architecture de paix européenne", a déclaré vendredi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
L'UE fête lundi les 72 ans de son acte fondateur, la déclaration de Robert Schumann proposant la création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier, le 9 mai 1950.
Le bloc commercial associant des nations autrefois en guerre est devenu une puissance politique prête à envoyer des armes à Kiev et à imposer des sanctions sans précédent à la Russie.
Il a tiré les leçons du Brexit et des quatre années de la présidence de Donald Trump aux Etats-Unis et se prépare à faire face à une Chine qui s'affirme.
Mais cette Union prospère de 450 millions d'habitants, qui peine à faire parler d'une seule voix ses 27 pays membres, n'est pas la grande puissance mondiale qu'elle pourrait aspirer à être. Elle est loin de l'autonomie stratégique dont voudrait la doter le président français Emmanuel Macron, qui préside actuellement le Conseil de l'UE.
"Fondamentalement, pour que l'Europe devienne un acteur géopolitique, il faut plus que quelques solutions politiques ou institutionnelles", estime le politologue néerlandais Luuk van Middelaar.
L'UE a "franchi un Rubicon" en décidant de financer des livraisons d'armes à l'Ukraine, un revirement "frappant" par rapport à son histoire pacifiste. Mais, selon lui, sa stratégie est mal définie à l'égard de la Russie et des pays d'Europe de l'Est aspirant à l'adhésion, dont l'Ukraine.
Un "fédéralisme pragmatique"
M. Macron, réélu en avril, devrait poursuivre son agenda européen avec encore plus de vigueur, soutenu par les appels lancés cette semaine par d'autres dirigeants et par une consultation citoyenne favorable à des changements fondamentaux dans les traités européens.
L'UE a besoin d'un "fédéralisme pragmatique" qui verrait les Etats membres perdre leur droit de veto, a plaidé mardi le Premier ministre italien Mario Draghi devant les eurodéputés.
"C'est le début d'un chemin qui mènera à la révision des traités. Et si cela doit être le cas, nous devons l'aborder avec courage et confiance", a-t-il déclaré.
Les institutions et les processus actuels de l'UE sont "inadéquats" pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, a-t-il ajouté.
Pour Fabian Zuleeg, directeur du centre de réflexion European Policy Centre, "nous sommes à la croisée des chemins".
"De nombreux tabous sont tombés avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et des pays font des choses qu'ils n'auraient jamais pensé faire", a-t-il déclaré à l'AFP. Cela concerne la politique étrangère et de sécurité de l'UE, mais aussi l'agriculture, les migrations, la politique industrielle...".
"Nous pouvons décider de profiter de cette situation pour doter l'Union européenne du type de processus décisionnel, des compétences et des lois dont elle a besoin. Ou bien nous continuons sur la voie de pays qui font les choses par eux-mêmes, ce qui, à mon avis, est voué à l'échec", explique-t-il.
L'abandon des vetos?
Le Parlement européen a approuvé une réécriture des traités et avancé 49 propositions issues de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, consultation citoyenne qui vient de s'achever.
Parmi celles-ci, l'idée de vote à la majorité qualifiée avancée par MM. Macron et Draghi pour rationaliser le processus décisionnel, ainsi que des pouvoirs accrus pour la Commission européenne dans des domaines jalousement gardés par les gouvernements nationaux, comme la défense.
La liste des propositions sera officiellement remise lundi au président français. "Plus de 90%" d'entre elles "peuvent être mises en oeuvre sans modification de traités", estime un diplomate européen.
Outre la France et l'Italie, des pays comme l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas ou le Luxembourg soutiendraient une modifica tion des traités.
Mais d'autres petits Etats membres y seraient hostiles, craignant de perdre toute influence sur le cours des décisions, une fois privés de leur veto.
Si une majorité d'Etats membres de l'UE décide qu'une modification des traités est nécessaire, ils pourront voter au Conseil européen pour lancer une "convention" qui déboucherait sur des négociations.
"D'après mes calculs, nous devrions être en mesure d'obtenir la majorité simple au Conseil pour cela", confie un diplomate européen. Mais tout texte qui en résulterait devrait ensuite être approuvé à l'unanimité par les 27 pays membres.