A l’affût de tout procédé pouvant combattre le réchauffement climatique tant la crise environnementale progresse vers des dimensions alarmantes, les chercheurs et les organisations environnementales se tournent vers la technologie, notamment l'IA. Bien que l’IA ne sauvera pas la planète en résolvant directement la crise, elle contribue à l'amélioration des modèles et des prévisions en facilitant l’analyse de vastes ensembles de données que l’humain n’est pas capable de traiter.
Il subsiste toutefois un paradoxe: Contrairement à ce que l’on a tendance à penser, le numérique est énergivore et pollue beaucoup.
Anticiper les canicules
Concrètement, l’intelligence artificielle, intégrée aux recherches climatologiques depuis quelques années, aide les scientifiques à anticiper au mieux les catastrophes naturelles, qui deviennent de plus en plus fréquentes et intenses avec le changement climatique.
Un article paru dans Physical Review Fluids le 4 avril décrit une IA capable de prédire les canicules, développée par une équipe interdisciplinaire de scientifiques français du CNRS, du CEA et de l'Université Claude Bernard Lyon 1.
Cette IA associe la probabilité d'une vague de chaleur extrême à partir des conditions environnementales telles que l'humidité des sols et l'état de l'atmosphère, jusqu'à un mois avant son apparition. Entraînée sur 8 000 ans de données simulées grâce au modèle climatique PlaSim de l'université de Hambourg, elle fournit en quelques secondes une prédiction statistique, complémentaire aux prévisions météorologiques classiques.
Cette technologie permet de guider en temps réel "les pompiers ou secours sur le terrain en cas de catastrophes naturelles et ainsi limiter les pertes humaines", explique à Reporterre Virginie Mathivet, docteure en intelligence artificielle.
Quantification à grande échelle des arbres et de leur évolution
L'IA permet aussi de mesurer la quantité de carbone stockée dans les arbres et de quantifier leur nombre en exploitant les données de l'inventaire national des arbres. Cette méthode permet d'étudier les forêts et d'obtenir des informations sur leur densité, leur masse et leurs caractéristiques spécifiques. Des chercheurs, dont Philippe Ciais, ont publié une étude dans "Nature" détaillant comment l'IA quantifie à grande échelle les stocks de carbone de 11 milliards d'arbres dans les régions sèches d'Afrique subsaharienne à partir d'images satellites.
"Si on dispose de télédétection, de satellites, l'IA peut aller encore plus loin et apprendre à compter facilement les arbres. D'ici deux ans, grâce à l'IA, on pourrait avoir compté tous les arbres du monde", affirme-t-il à Radio France.
Une technologie énergivore
Si l’IA propose des solutions pour aborder la crise climatique, elle participe en même temps à la pollution environnementale. Contrairement à ce que l’on a tendance à penser, le numérique pollue beaucoup. Lorsque l'on examine l'impact écologique de l'Intelligence Artificielle, il faut considérer l'ensemble des éléments qui constituent le monde numérique. En effet, l’IA ne se limite pas à un simple algorithme: depuis son infrastructure numérique, comprenant le réseau Internet, le cloud, les centres de données, les serveurs, les ordinateurs et les données massives jusqu'à son obsolescence, elle a des conséquences significatives pour l’environnement.
On estime aujourd’hui que le numérique est responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et il est prévu que cette empreinte carbone double d'ici 2025.
Sa méthode de prédiction repose sur ce qu'on appelle le deep learning, une approche d'apprentissage profond. On peut imaginer cela comme plusieurs centaines de réseaux de neurones artificiels agissant comme un cerveau humain. Plus les réseaux de neurones accumulent d’informations diverses et d'expériences variées, plus l'algorithme d'intelligence artificielle s'avère performant, et plus ces phases d'apprentissage en profondeur consomment une quantité significative d'électricité.
A titre de comparaison, selon la plateforme française Greenly, qui propose aux entreprises d’évaluer leurs émissions en temps réel, l'entraînement de GPT-3 a généré une empreinte carbone équivalente à 136 allers-retours Paris-New York en avion.
Heureusement, la communauté scientifique prend conscience de l'impact environnemental de l'IA et se tourne vers des solutions pour en réduire l'impact environnemental. Des modèles plus légers et des systèmes de refroidissement durables sont en cours de développement. Microsoft, par exemple, a immergé un data center dans la mer du Nord, utilisant l'eau froide ambiante pour son refroidissement.