Tout le monde attend un geste du président Emmanuel Macron. Une décision politique car c’est une crise politique, disent les indépendantistes.
Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie assure qu’ils ont bel et bien passé des appels au calme, des personnes visitent les barrages pour calmer le jeu.
”En contrepartie, le président français doit s’engager à retirer la réforme. Tant qu’il n’y aura pas d’engagement de la part de Paris, il va être difficile de stopper notre jeunesse”, a dit Wamytan.
Les indépendantistes veulent le retrait pur et simple du dégel du corps électoral calédonien, voté à Paris, le 14 mai, par les députés.
Il exprime ainsi sa déception concernant l’absence d’annonce forte, lors du conseil de défense de lundi 20 mai. Le mécontentement gronde depuis des mois : de grandes manifestations contre le dégel du corps électoral et des mises en garde ont eu lieu. Néanmoins, Paris a, malgré ces signes avant-coureurs de rejet, décidé de changer le corps électoral de l’île.
Paris, responsable des émeutes
Roch Wamytan est on ne peut plus clair. “L’État français est responsable de ce qu’il se passe sur l’archipel. Paris a choisi le camp des anti-indépendance”, dit-t-il.
Depuis l’arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, Paris est sorti de son rôle d’impartialité et multiplie les provocations, affirment les indépendantistes. Il y a eu le 3e référendum, un “référendum volé”, selon eux.
Trois référendums étaient prévus pour départager la population de l’île dans les accords de Nouméa. Trois référendums ont eu lieu, le Non a gagné à chaque fois mais les indépendantistes ne reconnaissent pas le dernier référendum qu’ils ont boycotté parce qu’il était organisé en pleine épidémie de Covid-19.
Les “loyalistes”, eux, estiment que l’affaire est bouclée avec trois non aux trois référendums. L’heure n’est plus à la décolonisation.
Pas si simple : les Accords de Nouméa prévoient, dans ce cas de figure, une concertation entre les partis pour déterminer l’avenir de l’île et cette concertation n’a pas eu lieu.
Il y a, également, eu la petite phrase de Macron lors de sa visite en mai 2018 à quelques mois du premier référendum. Emmanuel Macron déclarait : “la France ne serait pas aussi belle sans la Nouvelle-Calédonie”. Une “phrase assassine”, dit le président du Congrès calédonien, Roch Wamytan. Une phrase pour faire plaisir aux anti-indépendance ? En tout cas, c’est comme cela que le FLNKS (front de libération national kanak et socialiste) l’a interprétée.
Roch Wamytan se rappelle bien ce moment : “On s’est tous regardé, nous les anciens qui avons connu cette période de paix, et on s’est dit : quelque chose de grave va arriver ici en Nouvelle-Calédonie. Et voilà, on y est !”
Paris doit redevenir impartiale
Pour les indépendantistes, c’est une histoire qui se répète, celle d’une puissance coloniale qui ne veut pas décoloniser. L’esprit des accords de Nouméa, qui ont ramené la paix sur l’archipel du Pacifique en 1998, a été abandonné, disent-ils.
Les accords prévoient un processus de décolonisation. Roch Haocas de l’union des travailleurs kanaks est clair : ”Si on en est là aujourd’hui, c’est parce qu’on se moque de nous. La colère est là. On nous méprise. Les jeunes kanaks sont marginalisés et, en plus, il y a eux deux jeunes tués par une milice de quartier ; la colère est toujours là”.
Le dégel du corps électoral, ce fut le coup de trop, la goutte d’eau qui a conduit à une semaine d’émeutes. En ouvrant le corps électoral aux nouveaux résidents de l’île, Paris s’assure un vote contre l’indépendance. C’est en tout cas la crainte des Kanaks.
Romuald Pidjot de l’Union calédonienne (une des composantes du FLNKS) attend l’impartialité de l’Etat. “L’impartialité et le consensus sont les deux éléments qui peuvent faire revenir la paix. C’est un conflit politique, ce n’est pas un conflit social. C’est un conflit entre une France coloniale et le peuple kanak. On a besoin d'un geste politique de la part de Paris, l’Etat doit changer de méthode.”
Le président Macron se rend dans le Pacifique, ce mardi en fin de journée. Il a pris contact avec plusieurs personnalités, en amont, dont le chef du gouvernement et lui aurait promis que le vote de la réforme serait mis sur pause.
“Pas assez”, répondent les indépendantistes qui veulent un retrait pur et simple de la réforme du corps électoral.
Le président de l’assemblée régionale calédonienne, le Congrès demande, lui, une mission internationale sous l’égide de l’ONU pour sortir de la crise et ramener la confiance entre les Calédoniens et Paris.
Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont fait six morts, 270 personnes ont été arrêtées, 400 commerces ont été endommagés dont 150 pillés ou brûlés. L’aéroport international sera fermé jusqu'au samedi 25 mai.