Le 30 septembre, le tribunal correctionnel de Paris ouvrira le procès du Rassemblement national (RN) et de 27 de ses membres, dont Marine Le Pen, accusés d'un vaste détournement de fonds publics. Onze eurodéputés et treize assistants risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende, et une peine d’inéligibilité de cinq ans. Mais Jordan Bardella, président actuel du parti, ne figure pas parmi eux et n’a jamais été convoqué par la justice.
Pourtant, Bardella apparaît dans un organigramme de février 2015, ce qui a poussé le Parlement européen à saisir la justice, révèle Libération dans une enquête. Il y est mentionné comme «chargé de mission» auprès du vice-président du FN de l’époque, Florian Philippot, alors qu’il aurait dû être assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-François Jalkh, fonction qu’il n’a apparemment jamais exercée mais pour laquelle il a perçu un salaire de 1 200 euros par mois.
"Jordan Bardella n’a rien fait quand il était assistant"
En 2014, avec l'arrivée de 24 députés à Bruxelles, le RN aurait utilisé les salaires des assistants payés par l'UE pour le parti. Beaucoup de ces assistants n'avaient en réalité aucun lien professionnel avec les députés qu'ils étaient censés assister, et parfois ne les avaient même jamais rencontrés.
Un ancien eurodéputé, Aymeric Chauprade, explique que Bardella n’a jamais exercé ses fonctions auprès de Jalkh dont il était censé être l’assistant local depuis le 16 février 2015: “Bardella s’occupait de la communication de Philippot. Il n’était pas dans l’environnement de Jalkh.”
"Jordan Bardella n’a rien fait quand il était assistant", confie de son côté un ancien collègue de Jalkh.
Création de fausses preuves
À l’été 2015, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a saisi l’Office européen de lutte anti-fraude, ce qui a entraîné l’ouverture d’une enquête par le parquet. Selon les accusations, le parti aurait utilisé, notamment lors du mandat européen de 2014 à 2019, les fonds européens pour se financer et faire progresser Marine Le Pen et le parti. .
La direction du FN a alors tenté de contrer les accusations, affirmant être persécutée par les institutions européennes. Ghislain Dubois, un avocat belge et assistant parlementaire, est chargé de coordonner la défense et de collecter des preuves pour justifier le travail des assistants.
En 2018, un stagiaire de Dubois révèle avoir “créé des faux dossiers pour des assistants qui n’ont jamais travaillé pour le Parlement européen”. Parmi eux, Bardella, dont le dossier de preuves factices inclut une revue de presse régionale et un agenda antidatés de sa période d’emploi. Le faux dossier comprend des revues de presse régionales et un agenda 2015 sur lequel Bardella aurait écrit des événements pour simuler son implication dans les activités de Jalkh.
Interrogé par Libération, Bardella a nié ces faits et menacé de porter plainte pour diffamation si ces informations étaient révélées.