La détermination du gouvernement britannique a, finalement, eu raison de la résistance du Parlement, au sujet du projet de loi controversé sur l’extradition des migrants clandestins vers le Rwanda. Après quatre mois de résilience, le Parlement britannique a, en définitive, lâché prise en adoptant le projet de loi “safety of Rwanda” (“Sûreté du Rwanda”).
L’accord signé en avril 2022 entre Londres et Kigali consiste à envoyer au Rwanda les demandeurs d'asile - d'où qu'ils viennent- entrés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche sur des canots pneumatiques.
Ce projet de loi du gouvernement conservateur de Rishi Sunak contourne ainsi une décision de la Cour suprême qui l’avait jugé illégal en novembre dernier. De hauts magistrats britanniques soulignaient, alors, que le Rwanda n’était pas sûr pour les demandeurs d’asile, risquant d’être renvoyés dans leurs pays respectifs.
Le Rwanda en question
Le projet de loi définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr. Or, si le Rwanda se présente comme l'un des pays les plus stables du continent africain, son président, Paul Kagame, est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d'expression.
La chambre des Lords, où les conservateurs n'ont pas la majorité, a retardé l'adoption définitive du texte en le renvoyant sans cesse à la chambre des Communes avec des amendements, lesquels étaient à leur tour systématiquement rejetés par les députés. Une manœuvre dilatoire connue sous le nom de "ping-pong parlementaire".
Les Lords avaient notamment insisté sur le fait que le Rwanda ne devrait être reconnu comme un pays sûr qu’après l’approbation d’un organisme de contrôle indépendant. Ils souhaitaient également que les agents, les alliés et les employés du Royaume-Uni à l'étranger, y compris les Afghans qui ont combattu aux côtés des forces armées britanniques, soient exemptés d'expulsion.
Au final, la chambre haute, dont les membres ne sont pas élus, a décidé de se plier à la volonté de la chambre des Communes désignée au suffrage universel, et a pris le parti de ne plus amender le texte, garantissant son entrée en vigueur.
Plus tôt lundi, Rishi Sunak avait assuré que son gouvernement était "prêt" à expulser des demandeurs d'asile vers le Rwanda d'ici à dix à 10 à douze semaines, une fois la loi adoptée.
L'enjeu est aussi électoral pour le premier ministre, au pouvoir depuis 18 mois, alors que les conservateurs sont donnés largement perdants des élections législatives qui se profilent.
"Nous sommes prêts", "ces vols décolleront, quoi qu'il arrive", a martelé, dans la matinée, le premier ministre lors d'une conférence de presse.
Le gouvernement a mobilisé des centaines de personnels, notamment des juges, pour traiter rapidement les éventuels recours des migrants illégaux et débloqué 2.200 places en détention pour eux en attendant que leurs cas soient étudiés.
Des "avions charter" ont été réservés, a ajouté M. Sunak, alors que, selon des médias, le gouvernement a peiné à convaincre des compagnies aériennes de contribuer aux expulsions.
"Aucune cour étrangère ne nous empêchera de faire décoller les avions", a insisté Rishi Sunak, répétant le mantra des conservateurs depuis que de premières expulsions vers le Rwanda avaient été bloquées par la justice européenne.
Premiers migrants "identifiés"
Le projet de loi du gouvernement est fortement critiqué par l'opposition travailliste, des associations d'aide aux migrants, le chef de l'Église anglicane et jusqu'au Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, qui a estimé qu'il va "à l'encontre des principes fondamentaux des droits humains".
Lundi, les rapporteurs spéciaux auprès des Nations unies sur le trafic d'êtres humains, sur les droits des migrants et sur la torture ont prévenu que les compagnies et autorités aériennes qui faciliteraient les vols concernés "pourraient être complices d'une violation des droits humains protégés au niveau international".
Dans une déclaration, le directeur général de l'organisation Care4Calais, Steve Smith, a jugé le plan "impraticable", "brutal" et "qu’il ne réussira pas à mettre fin aux traversées de la Manche".
Le gouvernement devrait "se concentrer plutôt sur la tâche vitale consistant à traiter les demandes d'asile de manière juste et rapide", a aussi réagi Enver Solomon, du Refugee Council.
Après avoir atteint un record en 2022 (45.000), puis baissé en 2023 (près de 30.000), le nombre de personnes ayant traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune a augmenté de plus de 20% depuis le début de l'année par rapport à l'an dernier.