En distinguant ces trois lauréats, le comité Nobel récompense "trois remarquables défenseurs des trois humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique dans les trois pays voisins que sont la Biélorusse, l'Ukraine et la Russie", a souligné la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, dans son discours.
Plus de sept mois après le début de l'offensive russe en Ukraine, le comité Nobel a distingué de fervents critiques du président russe Vladimir Poutine et de son homologue biélorusse et proche allié, Alexandre Loukachenko, ainsi qu'une organisation ukrainienne oeuvrant pour la démocratie et la solidarité dans la région.
Pour autant, ces récompenses ne sont en rien dirigées contre le Kremlin, a souligné Berit Reiss-Andersen.
"Nous décernons toujours le prix pour une raison et à une personne et pas contre quelqu'un", a-t-elle expliqué à la presse.
Ales Viktaravitch Bialiatski, 60 ans, a fondé en 1996 à Minsk le Centre des droits de l'homme Viasna, principale organisation de défense des droits de l'homme en Biélorussie.
Interpellé en juillet 2021 avec de nombreux autres opposants à Alexandre Loukachenko lors d'une vaste opération policière contre l'opposition biélorusse, il est actuellement toujours incarcéré - "dans des conditions inhumaines" selon ses soutiens - et le comité Nobel a appelé à sa libération.
"Ce prix est une énorme marque de reconnaissance pour l'ensemble du peuple biélorusse qui mérite d'être récompensé pour son courage dans son combat contre la tyrannie d'(Alexandre) Loukachenko", a déclaré à Reuters Franak Viacorka, un porte-parole de l'opposition biélorusse.
"Ils méritent tous les prix du monde", a souligné le directeur de cabinet de l'opposante biélorusse en exil Svetlana Tsikhanovskaïa et ami proche d'Ales Bialiatski.
Ce dernier a "consacré sa vie à la défense des droits humains, à la défense de la nation biélorusse, de la culture biélorusse et de la société biélorusse, d'abord face à l'empire soviétique et ensuite contre la dictature de Loukachenko", a-t-il souligné.
Memorial International, la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie, qui a été dissoute en décembre dernier avec deux de ses branches par la justice russe, a considéré ce Nobel comme un encouragement à poursuivre ses activités.
"Ce prix nous encourage dans notre détermination à soutenir nos collègues russes pour qu'ils puissent continuer leur travail depuis un nouvel endroit, en dépit de la dissolution forcée de Memorial International à Moscou", a estimé Anke Giesen, membre du conseil d'administration de l'ONG, dans une déclaration transmise à Reuters.
Fondée en 1989 par des dissidents, dont Andreï Sakharov, Memorial s'est d'abord attachée à documenter les crimes de l'ère stalinienne et s'est plus récemment exprimée contre la répression des opposants sous Vladimir Poutine, avant d'être la cible ces derniers mois d'une offensive judiciaire aboutissant à sa dissolution.
De son côté, le Centre pour les libertés civiles, ONG ukrainienne fondée en 2007 à Kyiv, a fait part sur Twitter de sa fierté d'avoir été distingué par le comité Nobel.
Les trois lauréats qui, selon le comité Nobel norvégien, "illustrent l'importance de la société civile pour la paix et la démocratie" en raison de leurs "remarquables efforts pour documenter des crimes de guerre, des atteintes aux droits de l'homme et des abus de pouvoir", se partageront la somme de 10 millions de couronnes suédoises (environ 920.000 euros).
La "saison" des Nobel, qui s'est ouverte lundi avec l'attribution du Nobel de physiologie ou de médecine, a récompensé deux Français, le physicien Alain Aspect mardi et l'autrice Annie Ernaux jeudi.