Placés sous perfusion financière par leurs partenaires européens après une pandémie dévastatrice, les Italiens devraient remettre leur destin entre les mains de Giorgia Meloni, cheffe de Fratelli d'Italia (FdI), formation ultra-conservatrice, identitaire et nationaliste.
L'élection est suivie de près à Bruxelles après la victoire d'un bloc de droite et d'extrême droite aux législatives suédoises, car Giorgia Meloni pourrait devenir la première cheffe de gouvernement d'un pays fondateur de l'Europe communautaire à la tête d'un parti post-fasciste.
"La Meloni" comme on l'appelle en Italie, 45 ans, s'est coalisée avec Forza Italia (FI, droite) du magnat octogénaire Silvio Berlusconi, et la Ligue de Matteo Salvini, ancien ministre de l'Intérieur poursuivi en justice pour avoir bloqué des navires humanitaires secourant les migrants en Méditerranée.
Ensemble, ils pourraient obtenir la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés et au Sénat avec une avance confortable sur le Parti démocrate (PD) d'Enrico Letta, qui a échoué à faire l'unité au centre et à gauche.
Giorgia Meloni a convoqué Gandhi mercredi sur son compte Twitter, où elle publie à flux tendu des messages simples et percutants. "Gandhi disait +d'abord ils t'ignorent, ensuite ils te dénigrent, puis ils te combattent. Et à la fin tu gagnes+", a-t-elle écrit pour légender une photo d'elle faisant le "V" de la victoire.
'Les Italiens d'abord'
Les sondages étant interdits dans les deux semaines précédant le scrutin, les dernières enquêtes publiées font foi.
FdI est crédité de 24 à 25% des intentions de vote, devant le PD entre 21 et 22%. Suivent le Mouvement 5 Etoiles (ex-antisystèmes) de 13 à 15%, la Ligue à 12%, FI à 8%.
La coalition droite/extrême droite pourrait rafler entre 45% et 55% des sièges au parlement.
Attention, prévient toutefois Marc Lazar, professeur à Sciences-Po et à l'université Luiss à Rome, si la victoire des conservateurs semble acquise, "les sondages ont été démentis par le passé".
Facteur clé de ce scrutin, le taux de participation devrait descendre à un niveau historiquement bas, en deçà des 70%.
Menée en plein été alors que les Italiens étaient à la plage, ce fut "l'une des pires campagnes de l'après-guerre", analyse Flavio Chiapponi, de l'université de Pavie. A part un face-à-face convenu entre Meloni et Letta sur la chaîne TV du journal Il Corriere della Sera, "il n'y a pas eu de confrontation sur les idées et les visions de chacun".
La droite veut plus de frontières et moins d'Europe "bureaucratique", plus de natalité et moins d'immigration, plus de valeurs "judéo-chrétiennes" et moins d'impôts.
Mais chacun, en campagne, a tenu à rappelé son ADN, au-delà de l'accord électoral: si Meloni et Salvini fustigent "l'islamisation" et s'engagent à faire passer "les Italiens d'abord", la première, protectionniste, croit à l'Etat interventionniste quand Salvini et Berlusconi, plus libéraux, plaident pour un impôt à taux unique de 15 et 23% respectivement.
Venue d'une famille politique qui s'est construite sur l'anticommunisme, elle est par ailleurs atlantiste et soutient les sanctions contre Moscou après l’offensive de l'Ukraine, alors que Salvini, grand "tifoso" de Vladimir Poutine, s'y oppose, estimant qu'elles nuisent surtout aux Italiens qui paient le gaz au prix fort.
'Moine tibétain' contre 'Capitano'
L'animosité personnelle entre Meloni et Salvini pourrait aussi menacer leur majorité.
Elle a endossé les habits du "moine tibétain pour apparaître équilibrée, apte à diriger la nation", rassurer dirigeants et milieux d'affaire en Italie comme à l'étranger, analyse Anna Bonalume, auteure de l'essai "Un mois avec un populiste" sur Salvini. Pour se démarquer, Salvini, dit "Il Capitano", a "haussé le ton".
A gauche, Enrico Letta, lui, a "exclusivement fait campagne sur la défensive, comme s'il se donnait déjà battu", cependant que Giorgia Meloni arpentait l'Italie du Nord du Sud comme si elle était déjà Première ministre, relève Flavio Chiapponi.
Éphémère chef du gouvernement au début des années 2010, Enrico Letta se présente en garant d'une Italie plus que jamais ancrée en Europe, un argument de poids après l'octroi par l'UE de près de 200 milliards d'euros d'aide à l'Italie pour relancer son économie après la pandémie.
Mais les Italiens sont toujours tentés par une forme de "dégagisme" et Meloni, qui n'a pas participé à un gouvernement depuis 2011, n'apparaît pas comptable des promesses non tenues de la politique italienne.