Crise climatique: quand les petites nations insulaires défient les grandes puissances à la CIJ
La CIJ examine une affaire inédite où de petites nations insulaires, parmi les plus vulnérables au changement climatique, s'opposent aux grandes puissances économiques et polluantes.
La CIJ examine une affaire inédite où de petites nations insulaires s'opposent aux grandes puissances économiques et polluantes. / Photo: AA (AA)

Ce qui se joue à la CIJ, à La Haye est sans précédent : jamais autant de pays et d'organisations n'avaient participé à une affaire visant à redéfinir des normes juridiques internationales.

Les grandes puissances, notamment les États-Unis, la Chine et l'Inde, insistent sur l'importance de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) comme principal cadre juridique pour lutter contre le changement climatique.

Washington, représentée par Margaret Taylor, a exhorté la Cour internationale de justice à préserver cet équilibre sans imposer de nouvelles obligations. Ce point de vue est partagé par la Chine, l'Inde, l'Allemagne et l'Australie et Luther Rangreji, représentant de l’Inde, a mis en garde contre le risque d’introduire de nouvelles contraintes supplémentaires au droit international existant.

Injustice climatique

Face à ces grandes puissances, des représentants de petites nations insulaires, pour certains prenant la parole devant la CIJ pour la première fois dans l'histoire de leur pays, ont dénoncé les conséquences désastreuses du changement climatique sur leurs territoires.

Leurs terres natales sont détruites par le changement climatique, et ce alors qu'elles ne sont en rien responsables de ce phénomène, ont-elle fait valoir. "C'est une crise de survie. C'est aussi une crise d'équité", a déclaré le représentant des îles Fidji, Luke Daunivalu, avant d’ajouter :

"Notre peuple [...] paie injustement et à tort la facture d'une crise qu'il n'a pas créée. Il attend de cette Cour justice, clarté et un esprit de décision."

"Vos conseils juridiques résonneront à travers les générations, façonnant un héritage de responsabilité, de protection et d'espoir pour tous", a-t-il poursuivi devant les juges.

Les audiences, qui entrent dans leur deuxième semaine, rassemblent plus de 100 pays et organisations. Après des mois, voire des années de délibérations, la CIJ produira un avis consultatif non contraignant, un nouveau cadre pour le droit international dans la lutte contre le changement climatique.

"Lorsque je marche sur nos côtes, je vois davantage que des côtes qui s'érodent, je vois disparaître les empreintes de pas de générations de Marshallais qui ont vécu en harmonie sur ces îles", a déclaré John Silk, représentant des Îles Marshall.

"Le peuple marshallais a un dicton : " Wa kuk wa jimor", qui signifie "ous sommes tous dans le même canoë", a ajouté M. Silk. "Aujourd'hui, j'étends ce principe à notre communauté internationale".

Bataille

Les déclarations des pays riches et des grands pollueurs ont suscité la colère des militants, qui les accusent de "se cacher derrière" des accords existants comme l'Accord de Paris de 2015, parfois considéré comme insuffisant.

"Certains des plus grands pollueurs du monde, comme les États-Unis et l'Australie, ont essayé de passer sous silence leurs agissements passés et leur connaissance de longue date des causes et des conséquences du changement climatique", a dénoncé Joie Chowdhury, juriste au Centre pour le droit international de l'environnement, basé aux États-Unis et en Suisse.

2024 : première année au dessus de 1,5 °C

Il est d’ailleurs maintenant certain que 2024 sera la première année où la température mondiale dépassera 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, limite à long terme fixée par l'Accord de Paris.

Après le deuxième mois de novembre le plus chaud dans le monde, "il est de fait certain que 2024 sera l'année la plus chaude enregistrée et dépassera de plus de 1,5 °C le niveau pré-industriel", a annoncé le Service changement climatique (C3S) de l'observatoire européen Copernicus.

Novembre 2024 est le 16e sur les 17 derniers mois à enregistrer une anomalie de 1,5 °C par rapport à la période 1850-1900, selon la base de données ERA5 de Copernicus.

Ce seuil symbolique correspond à la limite la plus ambitieuse de l'Accord de Paris de 2015, visant à contenir le réchauffement bien en-dessous de 2 °C et à poursuivre les efforts pour le limiter à 1,5 °C.

Toutefois, ce seuil des 1,5 °C devra être observé sur au moins 20 ans pour être considéré comme définitivement franchi.

En prenant ce critère en compte, le climat est actuellement réchauffé d'environ 1,3 °C, mais le GIEC estime que la barre des 1,5 °C sera probablement atteinte entre 2030 et 2035,quelle que soit l'évolution des émissions de gaz à effet de serre de l'humanité.

Les politiques climatiques actuelles des nations orientent le monde vers un réchauffement "catastrophique" de 3,1 °C au cours du siècle, voire 2,6 °C si les promesses des pays sont tenues, selon l'ONU Environnement.

Les nations ont jusqu'à février pour soumettre aux Nations unies la révision de leurs objectifs climatiques d'ici 2035, appelées "contributions déterminées au niveau national".

TRT Français et agences