L’Europe s’interroge de plus en plus sur les fondements de sa coopération avec l’Afrique, face à la vague de coups d'État qui ont secoué récemment plusieurs pays africains et l’influence grandissante de la Russie. .
L'Union européenne veut définir une nouvelle approche stratégique vis-à-vis de l'Afrique axée sur la coopération avec les "gouvernements légitimes", déclarait en effet mercredi à Strasbourg la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Force est de constater que face à la vague de coups d’État, les violons des Européens n’ont pas toujours été accordés. En Afrique, certains ont même relevé une incohérence.
Le général Brice Oligui Nguema, président de la transition gabonaise, s’est formalisé concernant les réactions hostiles condamnant le coup de force au Gabon, alors qu’ailleurs tel n’est pas le cas. "Est-ce parce que je ne suis pas un fils de chef d’État", s’était-il alors interrogé, faisant allusion au Tchad où Deby a remplacé son père suite à un coup d’État sans que les protestations ne s’expriment.
"Nous devons faire preuve, à l'égard de l'Afrique, de la même unité d'intention que celle que nous avons montrée concernant l'Ukraine", a indiqué devant les députés européens Mme von der Leyen, inquiète devant la montée en puissance de la Russie en Afrique, et en particulier au Sahel.
"La Russie exerce une influence sur le chaos qui y règne, et en tire également profit", a-t-elle ajouté dans son discours sur l'état de l'Union, avant de préconiser : "nous devons nous concentrer sur la coopération avec les gouvernements légitimes et les organisations régionales".
Depuis 2020, le Mali, le Tchad, le Burkina Faso et le Niger ont connu des coups d'État militaires, ce qui "contribuera à augmenter l'instabilité dans la région dans les années à venir", a-t-elle déploré. Fin août, un autre pays africain, le Gabon, est venu rallonger cette liste.
Pour cette responsable, c’est avant le sommet UE-UA que cette nouvelle approche stratégique doit être définie.
Un échec
La veille, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait reconnu l'échec des Européens à consolider la démocratie au Sahel, en dépit de centaines de millions d'euros investis, qui n'ont pas empêché les coups d'État militaires.
Ces dix dernières années, l'Union européenne a dépensé 600 millions d'euros dans des missions civiles et militaires au Sahel, et entraîné des dizaines de milliers de policiers et militaires au Mali et Niger, a rappelé M. Borrell lors d'un débat au Parlement européen à Strasbourg.
"Cela n'a pas servi à consolider des forces armées qui soutiennent le gouvernement démocratique", mais plutôt des forces armées "qui les renversent", a-t-il toutefois reconnu.
Du côté du continent africain, les sociétés civiles reprochent souvent à l’Union européenne en particulier et à la communauté internationale en général de s’appesantir sur les conséquences des mauvais processus démocratiques, tout en négligeant les causes.
La notion de « coup d’État constitutionnel » qui renvoie à l’action de renverser l’ordre constitutionnel existant est en vogue ces dernières années sur le continent africain, avec des exemples aussi divers que la Côte d’Ivoire, la Tunisie, le Tchad, le Togo, le Bénin, etc.