La Commission veut réviser l'indice du marché néerlandais TTF, utilisé comme référence dans les transactions des opérateurs gaziers européens. Selon Bruxelles, son envolée a été alimentée par la spéculation et les inquiétudes des investisseurs, gonflant "artificiellement" les prix.
Bruxelles veut créer dans les six mois un indice alternatif, plus représentatif de la réalité des approvisionnements et effectif pour la prochaine saison de remplissage des réserves.
D'ici là, la Commission préconise "un mécanisme temporaire" pour corriger les prix. Selon une source européenne, il s'agirait d'un "corridor dynamique", une fourchette encadrant les fluctuation des prix sur le marché TTF, qui permettrait de tempérer la volatilité des cours du gaz. Un court-circuit limiterait toute surchauffe exceptionnelle.
Une lettre commune réunissant Italie, Pologne, Grèce, Belgique, Pays-Bas et d'"autres Etats" non nommés, consultée par l'AFP, évoquait jeudi un "corridor de prix" pour le marché de gros, tout en soulignant que "les vues divergent sur sa faisabilité, son efficacité économique" et le risque de perturbations de l'offre.
Le même courrier suggérait qu'une alternative pourrait être d'amender la référence au TTF dans tous les contrats commerciaux gaziers existants.
Concrétiser des achats de gaz en commun
L'exécutif européen veut renforcer les mesures pour concrétiser enfin des achats en commun de gaz à l'échelle de l'UE, de façon à profiter du poids du bloc pour obtenir de meilleurs prix en vue de la reconstitution des stocks avant l'hiver 2023.
Il s'agit aussi d'éviter que les Etats alimentent la flambée des cours en se faisant concurrence, comme ils l'ont fait cet été en remplissant leurs réserves au même moment.
Les Vingt-Sept avaient donné leur accord fin mars pour une "plateforme" d'achats communs, mais aucune transaction n'a encore été conclue, et nombre d'Etats ont continué leurs propres négociations sans concertation.
La Commission veut désormais faire aboutir ses pourparlers avec des producteurs "fiables" (Norvège, Etats-Unis...) et devrait préconiser une implication accrue du secteur privé, en réunissant dans un consortium ou "cartel" d'acheteurs les groupes énergétiques importateurs.
Baisse de la demande, solidarité accrue
Bruxelles présentera des outils supplémentaires pour diminuer encore la demande de gaz, les Etats ayant fourni jusqu'alors des efforts très variables.
Une proposition visera à muscler la solidarité au profit des Etats vulnérables au risque de pénurie et qui n'auraient pas conclu d'accord avec leurs voisins pour garantir leurs approvisionnements.
Prix du gaz pour la production électrique: la mesure recalée?
La France plaide vigoureusement pour plafonner le prix du gaz utilisé pour produire de l'électricité dans l'UE. Mais selon la source européenne déjà citée, cette mesure ne serait pas incluse dans les propositions de la Commission.
Ce dispositif, déjà appliqué en Espagne et au Portugal, consiste à adoucir les factures de gaz des opérateurs électriques (la différence avec le prix du marché étant couverte par une subvention publique), pour faire chuter par ricochet les prix de l'électricité.
Mais l'idée d'étendre ce dispositif à toute l'UE suscite la réticence de pays rétifs aux interventions étatiques sur les marchés, dont l'Allemagne et les Pays-Bas, inquiets des incertitudes sur son financement et du risque de compromettre les efforts pour réduire la demande face à une offre tendue.
Début septembre, la Commission estimait qu'un tel "mécanisme ibérique" à l'échelle de l'UE pourrait entraîner une demande accrue de gaz de 45 milliards de m3 par an, de la part d'opérateurs incités à produire davantage d'électricité --l'équivalent d'environ 10% de la consommation européenne de gaz en 2021.
Alors que l'Espagne et le Portugal ont peu de connexions avec le réseau européen, le dispositif pourrait ne pas fonctionner aussi efficacement dans d'autres pays, au risque, par exemple, de voir la Belgique subventionner l'électricité exportée vers le Royaume-Uni, s'inquiète un responsable européen.
Pour autant, les chefs d'Etat et de gouvernement pourraient s'entendre jeudi et vendredi pour étudier quand même la mesure, en veillant à ce que le plafond fixé "n'entraîne pas d'augmentation globale de la consommation de gaz", selon un projet de conclusions du sommet consulté par l'AFP.
De même, Bruxelles ne proposera aucun plafonnement des prix des importations européennes de gaz: l'idée avait été évoquée par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen début novembre, mais l'Allemagne s'y oppose par crainte de perturber les approvisionnements, dans un marché mondial où les navires de gaz naturel liquéfié peuvent facilement trouver d'autres destinations.