Après plus de sept mois d’attaques israéliennes dans la bande de Gaza et plus de 34 000 morts, se solidariser avec les Palestiniens reste encore un défi en France. Le syndicaliste de la CGT Jean-Paul Delescaut, l’humoriste Guillaume Meurice, la juriste et candidate LFI aux élections européenne Rima Hassan, la député Mathilde Panot : toutes ces personnalités publiques, de milieu tant différent, ont un point commun : ils sont tous été convoquées par la justice dans le cadre d'une enquête pour "apologie du terrorisme" pour avoir critiqué la politique génocidaire du gouvernement israélien mené à Gaza.
Derrière ces plaintes, la même association, l’organisation juive européenne (OJE), qui tente d’imposer le silence aux voix critiques du génocide israélien et de museler les voix pro-palestiniennes en France.
Si l’OJE revendique, en effet, avoir lancé de nombreuses plaintes "depuis le 9 octobre", et s’en réjouit publiquement, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé ces convocations signalant une atteinte grave à la liberté avec une pression sur le débat public. "La police convoque sans état d'âme à tour de bras une liste que l'on dit très longue.
Toute la sphère politique et intellectuelle anti-génocide est menacée. Un événement sans précédent dans l'histoire de notre démocratie. On sait dorénavant qui menace la liberté de conscience et pourquoi : protéger un génocide !" a-t-il écrit sur X. Pour lui cette association est même "l’amie de Netanyahu". Mais qu’en est-il vraiment ?
L’OJE, outil de propagande de Netanyahu?
Regroupant des avocats, l'organisation vise à combattre "l'antisémitisme, l'antisionisme et le mouvement BDS", qui appelle au boycott d'Israël et des marques complices.
L'insoumission, la plateforme d'actualité multimédia de La France insoumise a qualifié l’organisation "d’’association partisane du génocide à Gaza qui porte plainte contre ceux qui le contestent’. LFI accuse ouvertement l’association de relayer la propagande de Benjamin Netanyahu en France et d’être lobby du massacre pour "faire taire toutes les voix qui dénoncent le génocide en cours à Gaza en utilisant les moyens de la justice".
Cette organisation, ouvertement favorable à la colonisation israélienne en Palestine, a initié en 2019 une action en justice pour remettre en question l'exigence d'indiquer "colonies israéliennes" sur les étiquettes des produits issus des territoires occupés illégalement. Une tentative rejetée par la Cour de justice de l'Union européenne.
L’association est présidée par l’avocate Muriel Ouaknine-Melki, fréquemment présente dans les médias, notamment sur le plateau de CNews, critiquée pour stigmatiser les militants de la cause palestinienne et favoriser le discours narratif israélien. Elle a récemment qualifié d'"infâme" le vote de la France en faveur de la reconnaissance de l'État de Palestine le 19 avril, et a utilisé le même terme pour décrire la résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu humanitaire dans la bande de Gaza en décembre dernier.
L’avocate appelle également à la suspension des aides à l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, dont dépend la vie de près de 6 millions de Palestiniens. Alors qu’en 2021, elle affirme échanger "régulièrement" avec les services de renseignement israélien selon Libération, en avril 2023, elle rencontrait le président israélien Isaac Herzog.
Instrumentalisation de l’antisémistisme
"Nous avons décidé de combattre l’antisémisitsme sous toutes ses formes, l’antisionisme mais également la haine de l’Etat d'Israël", martèle l’avocate dans la vidéo de présentation de l’association. "L’antisionisme est un antisémitisme" repete à son tour l’avocat Oudy Bloch, premier vice-président de l’OJE. Qu’en est-il réellement ?
Alors que l'antisémitisme est une forme de discrimination raciale et de haine, le sionisme et l'antisionisme sont des idées politiques créées par Theodor Herzl qui remonte à 1897. Si donc exprimer des idées anti-juives est naturellement puni par la loi, une opinion politique, au nom de la liberté de pensée et d’expression, ne le devrait pas être.
Dans un contexte de criminalisation de tout soutien avec le peuple palestinien de la bande de Gaza, cet amalgame entre antisémitisme et antisionisme est utilisé par les partisans d'Israël pour renier toute critique contre le gouvernement Israël et sa politique d’occupation.
Dans un entretien accordé à Anadolu, le président d'honneur de l'Union juive française pour la Paix (UJFP), Richard Wagman, avait lui aussi dénoncé un "amalgame volontaire" entre antisémitisme et antisionisme en France "à des fins politiques".