L'agence de garde-frontières et de garde-côtes de l'Union européenne a couvert les refoulements illégaux de migrants vers les eaux territoriales turques pratiqués par les garde-côtes grecs, révèle un rapport de l'Office européen de lutte antifraude.
Selon le rapport de l'OLAF, publié par le site web allemand de défense de la liberté d'information FragDenStaat, ainsi que par Der Spiegel et Lighthouse Reports, Frontex a dissimulé des cas d'éventuelles violations des droits de l'homme à ses propres fonctionnaires chargés de veiller au respect des droits fondamentaux. Frontex a également interrompu la surveillance aérienne pour éviter d'enregistrer des activités illégales, a cofinancé des unités grecques qui ont procédé à des refoulements illégaux et a trompé les autorités chargées de superviser l'agence.
Le rapport souligne que les principaux responsables grecs affirment ne pas avoir lu le rapport et le commissaire européen grec Margaritis Schinas, qui a notamment la charge des migrations, a refusé de dire s'il avait été lui-même informé de ces allégations.
Les défenseurs des droits de l'homme appellent toutefois l'UE à publier officiellement le rapport, afin de permettre aux victimes de refoulement d'utiliser ses conclusions dans le cadre d'actions en justice, rapporte Der Spiegel.
Et d’ajouter : "Dans les années à venir, la question sera de savoir si l'argent des contribuables continuera d'être utilisé pour aider à enfreindre la loi aux frontières de l'UE - ou si Frontex sera contraint de se conformer au droit européen. Les États Schengen, qui contrôlent Frontex par l'intermédiaire du conseil d'administration, n'ont apparemment pas grand intérêt à ce qu'elle se conforme à la loi".
Un bilan entaché pour Frontex
Ces dernières années, Frontex a été critiqué pour les mauvais traitements qu'il aurait infligés aux migrants, mettant souvent leur vie en danger.
La Turquie et des groupes mondiaux de défense des droits ont condamné, à plusieurs reprises, la pratique illégale de la Grèce consistant à repousser les demandeurs d'asile, affirmant qu'elle viole les valeurs humanitaires et le droit international en mettant en danger la vie de migrants vulnérables, notamment celle des femmes et des enfants.
Au début de l'année, le directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, a démissionné dans le cadre de ce scandale.
Les groupes de défense des droits ont également documenté d'autres atteintes aux droits de l'homme aux frontières de l'UE où opère Frontex.
"Frontex a échoué à plusieurs reprises à prendre des mesures efficaces lorsque des allégations de violations des droits humains sont portées à son attention", a déclaré Eva Cosse, chercheuse sur l'Europe occidentale à Human Rights Watch.
Selon elle, "l’évolution rapide (de Frontex) vers une agence exécutive de l'UE, avec des pouvoirs, un financement et des responsabilités juridiques accrus, rend d'autant plus urgent pour Frontex de mettre en place des outils efficaces pour sauvegarder les droits fondamentaux."