Après cet attentat survenu mercredi soir et qui a traumatisé le pays, le président Guillermo Lasso a instauré l'état d'urgence pour une durée de 60 jours afin de garantir la tenue du scrutin. Le premier tour, le 20 août, a été maintenu.
Mais le directeur de campagne de M. Villavicencio, Antonio Lopez, a demandé le report du débat prévu dimanche entre les huit candidats à la présidentielle.
"Le débat doit être différé afin que, lorsque nous désignerons (un nouveau candidat), il soit quasiment dans les mêmes conditions pour débattre" que les sept autres participants, a-t-il plaidé.
Le président Lasso a également décrété trois jours de deuil national "pour honorer la mémoire d'un patriote". M. Villavicencio, un centriste de 59 ans, était en deuxième position en intentions de vote au premier tour (13,2)%, derrière l'avocate Luisa Gonzalez (26,6%), proche de l'ancien président socialiste Rafael Correa.
"Crime politique"
"Il s'agit d'un crime politique à caractère terroriste, et nous n'avons aucun doute que cet assassinat est une tentative de saboter le processus électoral", a ajouté le chef de l'Etat.
Selon la police équatorienne, les six suspects arrêtés après l'assassinat de M. Villavicencio sont de nationalité colombienne, de même qu'un septième assaillant abattu par les forces de sécurité.
Le ministre de l'Intérieur Juan Zapata a confirmé l'implication de "groupes criminels organisés" dans cette attaque, survenue à la fin d'un meeting du candidat à Quito et qui a également fait neuf blessés, dont une candidate à l'Assemblée et trois policiers. La police a par ailleurs fait exploser une bombe déposée sur les lieux.
Le président Lasso a annoncé avoir "demandé le soutien du FBI" dans l'enquête, assurant que la police fédérale américaine avait accepté la demande. "Une délégation arrivera dans le pays dans les prochaines heures", a-t-il précisé.
Le mouvement de M. Villavicencio, Construye, a réclamé la création d'une commission internationale pour enquêter sur le meurtre de son "courageux" leader, un ancien journaliste et farouche pourfendeur de la corruption qui briguait pour la première fois la présidence du pays.
Sur les grilles de la salle omnisports devant laquelle il a perdu la vie, des affiches le montrent souriant à côté d'une banderole sur laquelle on peut lire: "Les Narcopolitiques paieront. Pour toujours. Fernando T.Q.M. (pour Te Queremos Mucho, nous t'aimons beaucoup)". Des roses blanches ont été déposées à proximité.
Ruth Flores, une femme au foyer de 65 ans, déplore auprès de l'AFP le meurtre d'un "candidat qui dénonçait toute la corruption de la narco-politique, les narco-militaires". La situation est "très préoccupante (...) il n'y a pas de sécurité", regrette-t-elle.
Une poignée de sympathisants s'est rassemblée au cours de la journée de jeudi à proximité du funérarium où la dépouille de M. Villavicencio a été transférée. Certains tenaient des pancartes où on pouvait lire: "ils ont tué mon président".
"Menace sérieuse"
La communauté internationale a fermement condamné le meurtre, Washington le qualifiant d'"acte de violence odieux", l'Union européenne d'"attaque contre la démocratie" et la France d'"acte barbare".
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a dénoncé un "meurtre épouvantable", voyant dans la violence contre les responsables politiques "une menace sérieuse pour le processus électoral et la capacité du peuple à exprimer sa volonté démocratique".
"Ces bandes criminelles de tueurs à gages sont malheureusement en train de porter au-delà des frontières le modèle colombien d'assassinats politiques", a pour sa part déclaré le président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro.
La semaine dernière, Fernando Villavicencio, qui était sous protection policière, avait fait état par deux fois de menaces contre lui et son équipe.
Ces dernières années, l'Equateur est confronté à une vague de violence liée au trafic de drogue qui, en plein processus électoral, a déjà entraîné la mort d'un maire et d'un candidat au Parlement.
Quelques jours seulement avant d'être tué, M. Villavicencio avait dénoncé des irrégularités dans des contrats publics.
L'un de ses principaux faits d'armes reste d'avoir envoyé sur le banc des accusés l'ancien président Rafael Correa (2007-2017) grâce à l'une de ses enquêtes. M. Correa, réfugié en Belgique, a été condamné par contumace à huit ans de prison dans cette affaire.